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Au Continentaliste succédèrent les Lettres de Phocion, publiées dans un journal de New-York à propos d’une loi présentée au congrès, et qui prononçait la peine de l’exil et de la confiscation contre tous les Américains demeurés fidèles à la métropole. Hamilton s’indigna qu’on voulût déshonorer la victoire populaire par d’inutiles proscriptions, et il combattit avec toute l’éloquence du cœur cette mesure de vengeance. Qui croirait aujourd’hui que cette intervention généreuse en faveur d’adversaires vaincus faillit lui coûter la vie ? Telle était encore l’irritation laissée dans les esprits par la guerre, qu’une association de jeunes gens se forma à New-York pour provoquer successivement Hamilton jusqu’à ce qu’il eût succombé. Par bonheur cette abominable conspiration vint à la connaissance d’un autre écrivain, de John Ledyard, adversaire d’Hamilton dans la polémique provoquée par la loi, mais adversaire loyal, et qui fit honte à ces jeunes gens de leur indigne projet. Bientôt après se réunit la convention chargée de donner une constitution aux États-Unis : les travaux de cette assemblée firent naître un journal qui est demeuré un livre immortel ; nous voulons parler du Fédéraliste, auquel concoururent Jay et Madison, mais dont la plus grande partie fut l’œuvre d’Hamilton. Cette publication eut à la fois pour objet de commenter et de défendre la constitution, d’en faire connaître l’esprit, d’en expliquer le mécanisme à la foule, et de réfuter les attaques contradictoires auxquelles le nouveau pacte fut en butte dès le premier jour. Mettre à la portée du vulgaire les plus hautes considérations de la politique n’est pas une tâche facile : Hamilton s’en acquitta avec un rare bonheur, et le Fédéraliste, chef-d’œuvre d’analyse, de clarté et de sagacité, vivra autant que la constitution dont il est le commentaire lumineux et dont il détermina l’adoption.

Ce fut là le dernier effort d’Hamilton, que la confiance de Washington, devenu président, appela aux plus importantes fonctions, et qui dut déposer la plume. Après l’auteur du Fédéraliste, on ne trouve plus que deux écrivains qui méritent une mention, Fisher Ames et J. Quincy Adams. Celui-ci collabora à un journal de Boston sous les pseudonymes de Publicola et de Marcellus : sous cette dernière signature, il défendit la politique de neutralité que Washington eut la sagesse d’adopter et le courage de suivre, même aux dépens de sa popularité. Quant à Fisher Ames, né dans le Massachusetts en 1758, il débuta au barreau et dans la presse à l’âge de vingt-trois ans, et se fit tout aussitôt remarquer par ses talens. En 1788, il fit partie de la convention chargée de ratifier la constitution fédérale, et Boston le choisit pour son représentant au premier congrès. Par ses connaissances étendues, par son éloquence, par l’intégrité de son caractère, Fisher Ames s’acquit une haute considération et devint en peu