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a soutenues pendant plusieurs siècles. Je sais qu’on peut ainsi lui faire peur, et que même on y est parvenu; mais elle aurait beau changer de langage et se désavouer elle-même, en renonçant à sa gloire elle ne referait pas ses antécédens. Toutes ses variations, toutes ses rétractations, toutes ses déclamations, ne feront jamais que le passé ne soit point le passé, et que Gerson ou Bossuet aient été des hérétiques.

Là pourtant, ou peu s’en faut, devait être conduit M. de Maistre. On sait que, prenant enfin son parti, il a joint un troisième volume à son ouvrage sur le pape, et dressé l’accusation de l’église gallicane dans son rapport avec le souverain pontife. « L’opposition française a fait de grands maux au christianisme, » dit-il au début, et cette opposition, remarquez-le bien, ce n’est pas celle de Voltaire ou de Mirabeau, c’est celle de Philippe le Bel comme de Louis XIV, de Gerson comme de Bossuet. Il est divertissant de voir l’embarras de l’auteur obligé de mettre des rois dans leur tort, de s’en prendre à des prélats qui ont illustré l’église, d’inculper, sur la question la plus grave, les pouvoirs et les institutions de l’ancien régime. Il s’y résout bravement néanmoins, et ce n’est pas de faiblesse ni de complaisance qu’on peut l’accuser. Toute analyse serait ici oiseuse; rappelons seulement que l’expression la plus réfléchie et la plus modérée de l’ancienne doctrine de France, atténuée même dans les termes, si on la compare à ce que disait saint Louis, est la déclaration de l’assemblée du clergé en 1682, « cette célèbre déclaration qui est, dit le cardinal de Bausset, un des beaux titres de la gloire de l’église de France,» — « et qui est au fond, ajoute M. de Maistre, ce qu’on peut imaginer de plus méprisable et de plus dangereux. » — « C’est surtout dans la vie de Bossuet, dit encore le cardinal, qu’elle doit être inscrite comme le plus beau monument de son histoire. » — « Tant qu’un homme tel que vous (M. de Bonald), disait le laïque, regardera la déclaration de 1682... comme une chose médiocrement mauvaise, il n’y a plus d’espérance de salut. » Voilà les variations de l’unité.

Le caractère le plus saillant de ces derniers ouvrages de M. de Maistre comme de tout son système, c’est que tout y est poussé à l’extrême, qu’aucune place ne reste aux transactions, aux tempéramens, aux nuances. Ainsi chacun sait que le gallicanisme et certaines opinions sur la grâce, sur la morale, sont condamnées à la fois par les jésuites et toute l’ancienne école ultramontaine, et il faut bien reconnaître que ces diverses doctrines, bien que catholiques encore, sont à une distance un peu moindre des croyances protestantes que les doctrines romaines. Ces degrés sont inévitables, et personne ne peut empêcher que saint Augustin ne soit, touchant le libre arbitre, moins