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remonte ayant dix barques à la remorque. Nous ignorons le nombre des barques en service sur le Volga; mais il a été calculé que quelques provinces intéressées à cette navigation construisent chaque année 9,000 barques plates ne faisant qu’un voyage, du port de 730,000 kilogrammes chacune. A Nijni-Novgorod, la foire s’ouvre en août et dure quatre semaines. Pendant trois mois, c’est un va-et-vient continuel de voitures et de voyageurs sur la route de Moscou à ce rendez-vous des produits russes, européens, asiatiques. Avant de nous y arrêter, nous ferons observer que parmi les foires innombrables qui se tiennent dans les divers gouvernemens on en compte 128 auxquelles il se fait habituellement pour 200,000 fr. de vente[1] ; chaque année, il s’y porte environ pour 820 millions de marchandises; il s’en débite pour 5 ou 600 millions. Nous citerons, sur le trajet ou à proximité de la ligne de Moscou à Théodosie, les foires de Korennaïa, où il se traite pour 14 millions d’achats, de Poltava, où il s’en fait pour 34 millions, de Kharkov, où le montant de la vente des chevaux, des laines et des objets manufacturés atteint à 50 millions, et nous n’oublierons pas la foire d’Irbite, au pied de l’Oural, où il se fait pour près de 120 millions d’affaires sur les marchandises de rebut, les tissus façonnés, bariolés ou imprimés qui sont passés de mode. On y apporte aussi des fabriques de Toula 50 ou 60,000 de ces petits instrumens nommés harmonica y destinés à la Chine, dont ils flattent le goût musical.

Venons enfin à la foire de Nijni-Novgorod, dont nous parlerons d’après celle de 1852, qui a été l’objet des études les plus exactes. Nijni-Novgorod, peuplée de 33,000 habitans, se divise en deux villes. La ville haute, avec le Kremlin obligé, sorte de Capitole russe commun à toutes les vieilles cités, occupe un promontoire presque à pic de 120 mètres d’élévation, au pied duquel l’Oka et le Volga se rencontrent en déployant de chaque côté une nappe de 1,000 mètres de large. La ville basse occupe les deux rives de l’Oka, qui sont réunies par un pont de bateaux; sur la rive droite, elle s’abrite derrière le promontoire; sur la rive gauche, elle s’étend en plaine avec un vaste bazar bâti en pierre, des canaux faisant ceinture au bazar, et un égout d’architecture vraiment romaine. La ville basse est le quartier principal de la foire. La petite mer formée par le confluent de la rivière et du fleuve, les milliers de barques matées qui la couvrent, — au-delà, sur la rive gauche du Volga, une plaine immense parsemée de nombreux villages et terminée par une ligne de forêts épaisses, composent, avec la ville haute et ses tours, un de ces sites

  1. On trouvera dans l’Annuaire des Deux Mondes pour 1855-56 d’intéressans détails sur le mouvement des foires russes.