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années pour s’assurer quinze années d’un bon rapport. Elle produit du lin, du chanvre, du tabac, des céréales surtout. Sur les 520 millions d’hectolitres récoltés dans l’empire des tsars, sa part est des quatre cinquièmes environ. C’est le grenier de la Russie, c’est l’un des greniers de l’Europe. C’est cette terre noire, dans les provinces de Volhynie et de Podolie, à l’ouest, qui exporte par Odessa; c’est encore elle, dans les provinces de Simbirsk, de Penza, de Tambov et de Voronège, à l’est, qui exporte par les ports de la mer d’Azof et de la Crimée. Le milieu de cette région productive, — de Toula, qui en est la limite nord, à Orel, d’Orel à Koursk, et de Koursk à Kharkov, qui en est la limite sud, — fera ses exportations par Théodosie dans la Mer-Noire, et par Liebau dans la Baltique. On peut juger de la valeur de ce milieu par l’importance des villes qui viennent d’être nommées, et qu’on avait déjà citées pour leurs manufactures. Toula, avec son beau pont suspendu en fer sur l’Upa, compte de 50 à 60,000 habitans; Orel et Koursk en ont plus de 30,000; Kharkov n’était sous Catherine II qu’un village de Cosaques, c’est aujourd’hui une ville élégamment construite, chef-lieu de l’Ukraine, avec 30,000 habitans, 224 fabriques, 9,000 ouvriers, — dont quelques-uns sans doute descendent des compagnons de Mazeppa, — un enseignement universitaire, et de beaux champs aux alentours. Toutefois la fertilité de cette terre, qui alimente Moscou et une partie de la région industrielle, ne profite qu’imparfaitement aux provinces plus éloignées et mal servies par leurs communications. Plusieurs gouvernemens du nord sont fréquemment exposés à la pénurie, quelquefois à la disette, tandis qu’au centre il y a encombrement des magasins, avilissement des prix, avarie de la denrée. Par exemple, dans les gouvernemens de Vitebsk et de Pskov, l’hectolitre de seigle vaut habituellement 10 francs, accidentellement 20 francs, et dans les gouvernemens de Koursk et d’Orel il vaut de 2 à 3 francs. En 1843, on fut obligé d’autoriser l’importation des blés étrangers dans les provinces septentrionales, particulièrement en Esthonie, pendant que la farine de seigle se vendait 2 francs 40 c. Dans les provinces centrales. Enfin on cite des localités où, malgré trois ans de cherté des céréales en Europe, la difficulté des transports a maintenu en réserve et en épi jusqu’à cinq récoltes successives, au détriment des propriétaires, tant il est vrai qu’il n’y a pas de terre promise sans bonnes routes, sans chemins de fer surtout. Les voies fluviales dont Pétersbourg est doté n’ont pas même toujours permis aux grains achetés pour l’exportation d’y arriver en temps utile, soit à cause de la longueur du trajet, soit à cause de l’interruption de la navigation par les glaces, interruption qui, sur le Volga et ses canaux, est de près de six mois.

Mais si les glaces interceptent les voies fluviales, la neige n’in-