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Pétersbourg, qui fut le Versailles d’un réformateur, et qui restera un grand port? Qui sait si l’unité de l’empire n’y résidera pas une seconde fois?

Il ne nous est possible de faire apprécier l’importance de ce mouvement producteur de la Russie que par quelques détails sur les industries principales. Nous avons peu de chose à dire de l’industrie linière : elle est née si naturellement dans un pays qui produit le lin sous toutes les températures et en exporte par tonnes les graines et les filamens, qu’elle ne s’est pas encore constituée à l’état manufacturier. Presque partout cette industrie est répandue à l’état patriarchal; la quenouille, le rouet et le métier mettent un peu d’aisance dans une foule de villages. Il n’existe que trois filatures à la mécanique, dont une à Moscou; il n’y a aucun établissement de tissage. La fabrication des soieries est organisée; elle emploie moitié de soies indigènes provenant du Caucase, moitié de soies de France, d’Italie, de Turquie et de Perse. Le commerce des soies entre la Perse et la Russie est assez ancien pour que le père de Pierre le Grand, le tsar Alexis, voulant le protéger, ait fait construire par un Hollandais l’un des premiers bâtimens de guerre russes, qui, lancé sur l’Oka, devait descendre le Volga jusqu’à la Caspienne. Les produits de cette fabrication sont estimés à une somme de 60 millions pour toute la Russie, de 30 millions pour la province de Moscou. L’industrie de la laine est plus avancée : elle emploie de 34 à 35 millions de kilogrammes de matière première, dont 700,000 de laine peignée et filée sont de provenance étrangère; elle fabrique les draps grossiers des paysans, les draps de l’armée, les draps de la garde, qui, jusqu’en 1822, étaient tirés de l’Angleterre, des draps de qualité ordinaire, moyenne, supérieure, notamment en Livonie et en Pologne, des tapis, des couvertures, des châles, des camelots, des mérinos, des mousselines de laine, etc. La valeur totale de ses produits dans tout l’empire, y compris le royaume de Pologne, est d’environ 184 millions; il en faut déduire 50 millions pour la province de Moscou et les autres provinces centrales, qui font surtout la draperie grossière et moyenne. Enfin la plus développée et la plus récente des industries russes est celle du coton. L’exemple fut donné par l’empereur Alexandre, qui fonda à Pétersbourg la première filature et la plaça sous la protection de l’impératrice-mère. Le personnel de cette filature se composait de six mille ouvriers appartenant à la catégorie des enfans trouvés et traités en ouvriers libres; les enfans abandonnés ont du moins en Russie l’avantage d’être réputés de race affranchie. De 1824 à 1825, 400,000 kilogrammes de coton brut et 3 millions de kilogrammes de coton filé suffisaient à la Russie, qui met présentement en œuvre plus de 30 millions de kilogrammes de