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leurs poésies, qui vivaient de leur inspiration commune, et cet embrassement apparut à ces jeunes esprits comme le premier symbole de l’amitié qui devait désormais rapprocher et unir des nations voisines et sœurs. Dès l’été de 1829, Tegner, rendant sa visite au poète danois, fut suivi au-delà du Sund par un certain nombre d’étudians suédois qui furent reçus à bras ouverts par ceux de Copenhague et fêtés au bruit des toasts scandinaves. La jeunesse des universités, qui avait déjà donné le signal de la rénovation littéraire, se chargeait de recueillir encore la seconde étincelle, et il était naturel que celle-ci s’enflammât d’abord dans cette petite ville de Lund, capitale de la province la plus méridionale de la Suède actuelle, naguère encore ville danoise et monument des guerres civiles qui avaient armé les uns contre les autres les peuples de la Scandinavie, mais aujourd’hui le premier anneau de leur réconciliation et de leur future alliance.

Pendant l’hiver de 1837 à 1838, les glaces avaient formé un pont naturel sur le Sund, entre la Suède et le Danemark. Bien que le détroit, si resserré en face d’Elseneur, soit encore d’une navigation de deux heures environ entre Copenhague et Malmoe, cependant la force du courant empêche communément que les glaces ne s’y arrêtent, et il faut un rude hiver, tel que chaque génération peut en voir un ou deux tout au plus, pour que le Sund soit entièrement pris. Il est curieux de voir alors toute l’activité de la navigation d’été se renouveler sur un sol factice, et les paysans suédois, avec leurs petites charrettes, venir s’approvisionner en Danemark. C’est par un tel hiver, en 1658, que Charles X Gustave, faisant passer sur la glace une armée entière, vint mettre le siège devant Copenhague. C’est par un tel hiver que les étudians des deux universités voisines, Lund et Copenhague, ayant eu pendant leurs communes vacances de Noël la pensée de se visiter mutuellement, se rencontrèrent au milieu de la route, sur les glaces du Sund. La surprise et l’à-propos de cette rencontre révélaient combien chez les uns et chez les autres la pensée avait été spontanée et le bon vouloir réciproque. Une fête s’improvisa aussitôt, non pas sur le sol suédois ou danois, mais au centre même et comme au cœur de la Scandinavie, sur ces eaux qui relient, par une admirable et facile communication, Norvège, Suède et Danemark, non plus, comme autrefois, pour propager les discordes et la guerre, mais pour devenir au contraire le symbole d’une indivisible union. Les représentans d’Upsal manquaient encore, il est vrai, à la fête; mais on ne les oublia pas dans les toasts, et il fut résolu d’un commun accord, qui répondait à la pensée des absens, que chacune des universités du Nord recevrait à son tour la visite des autres universités sœurs.

Ce n’était pas d’ailleurs la jeunesse des universités qui se char-