Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

révolution française, le catholicisme et les institutions catholiques. Le plus hardi champion de la papauté a senti sans l’expliquer cette prétention, qui lui paraît arrogante et illogique. Dans son livre sur l’église gallicane, il s’étonne de cette tendance à vouloir former une église séparée au sein de la grande unité catholique. « Il n’y a qu’une église universelle, dont le centre est à Rome, s’écrie-t-il ; ce n’est qu’en France que l’on ait entendu parler d’une église nationale. Qui a jamais entendu parler d’une église italienne, d’une église espagnole, d’une église polonaise ? » Cela est très vrai ; mais le raisonnement de M. de Maistre, fondé au point de vue philosophique, est bien léger au point de vue historique. Ce que M. de Maistre reproche à l’église française est précisément ce qui fait sa gloire. Si l’on n’a jamais entendu parler dans les autres pays d’une église nationale, c’est qu’il n’y a jamais eu au sein du catholicisme d’autre église que l’église gallicane qui ait eu une vie propre, qui ait tiré d’elle-même sa sève et ses doctrines, qui ait existé d’une manière indépendante et libre. Toutes ont plus ou moins dépendu de Rome, ont tiré de la ville éternelle leurs doctrines, leur règle de conduite, leur ligne politique, leur mot d’ordre ; toutes ont subi son influence et ont imité son esprit, imitations ou naïves, ou ardentes, ou fanatiques, ou même scandaleuses, et ayant par conséquent une certaine originalité qu’on ne peut nier, mais imitations véritables. Il n’en a pas été de même de l’église de France. Même aux pires époques et sous les influences les plus violentes, elle s’est toujours maintenue indépendante, et s’est réservé le droit de discuter et de rejeter les doctrines qu’on cherchait à lui imposer. Elle s’est toujours attribué une autorité religieuse à côté de l’autorité suprême. En un mot, elle n’a pas été seulement un rameau de l’arbre gigantesque grandi sur les ruines de l’ancien monde ; elle a été elle-même un grand arbre, possédant une vie particulière, tirant de la terre natale la sève destinée à alimenter ses rameaux et son riche feuillage, et cet arbre n’a cessé pendant de longs siècles de fleurir et de reverdir à chaque génération nouvelle avec une abondance surprenante qui témoignait des fertiles élémens du sol généreux dans lequel il plongeait ses racines. Mais sa dernière floraison a été la plus étonnante de toutes. À la veille du jour où la hache devait le frapper mortellement, montrer à nu ses fibres desséchées par la vieillesse, sa carie intérieure et ses cavernes creusées par le temps, la nature sembla réunir toutes ses forces, fit un suprême effort pour résumer dans ce dernier reverdissement d’automne tout le charme et toute la majesté des saisons expirées. On eut ce miracle si inattendu du XVIIe siècle, cette renaissance inespérée du système catholique un siècle après la réforme, et grâce à la France on put croire un instant que l’antique religion allait