et de formes grammaticales ; mais à ce principe on peut opposer bien des exceptions. Les Chinois par exemple, si supérieurs aux Mongols, ont une langue bien inférieure à la langue mongole et par leur constitution même les langues de la seule famille monosyllabique qui subsiste aujourd’hui le cèdent tant aux idiomes des tribus indiennes de l’Amérique qu’à ceux des hordes de la Sibérie. Les premières cependant sont parlées par des populations pour la plupart très avancées.
La faculté du langage est donc une aptitude à part, liée de près, sans contredit, aux autres facultés intellectuelles, mais qui a néanmoins son individualité ; elle peut s’être arrêtée presque à l’état rudimentaire chez des peuples civilisées et doués à une certaine supériorité intellectuelle, tandis que chez d’autres, fort inférieurs sous le rapport de l’intelligence et de la culture elle se présente très développée.
On a vu que les langues pouvaient être réparties en trois classes, qui forment, pour ainsi dire, des règnes analogues à ceux que reconnaissent les naturalistes ; mais l’étude comparative de tous les idiomes connus nous montre qu’au sein de chacun de ces règnes, il y a des différences très prononcées de développement. L’organisme est loin d’y avoir suivi une marche parallèle, et dans ces trois classes on peut établir une sorte d’échelle grammaticale. D’ailleurs, contrairement à ce qui- se passe dans la nature, les langues peuvent, sans perdre pour cela tout à fait leurs caractères de famille, sortir d’un règne et entrer dans le règne supérieur. Sans doute, par cette transformation, elles constituent des langues nouvelles, mais ces langues n’en sont pas moins encore étroitement liées à la souche qui les a produites ; au reste, cette faculté de franchir les bornes de leur organisme n’appartient point à toutes. Tandis que les unes sont passées du monosyllabisme à l’agglutination, de l’agglutination à la flexion, les autres sont restées enveloppées dans le moule quelles s’étaient graduellement façonné. Dans ce cas, elles ont suppléé par l’agrandissement et l’extension de leurs procédés, à ce que leur refusaient les lois de leur organisme. Il y a eu chez elles un arrêt de développement dans le sens de la marche générale ; mais tout a été mis par elles en œuvre pour suppléer, à l’aide de formes secondaires, à l’imperfection de leur grammaire. Voilà comment certains idiomes, renchérissant de plus en plus sur le procédé d’agglutination, sont arrivés au polysynthétisme, comment d’autres se sont arrêtés, pour ainsi dire, à mi-chemin sur la voie qui mène du monosyllabisme à l’agglutination ou de l’agglutination à la flexion. Par exemple, tandis que le chinois est demeuré strictement mohosyllabique, le barman incline vers l’agglutination, et le siamois laisse entrevoir le germe de la flexion. Le copte tend à sortir de l’agglutination par l’analyse. Même observation à faire dans le travail de décomposition, qui fait passer les langues, de l’état synthétique à l’état analytique. Plusieurs luttent avec énergie contre cette invasion de ce qu’on pourrait appeler l’individualisme verbal : tel est le cas pour les langues germaniques proprement dites ; les idiomes malayo-polynésiens ne manifestent au contraire qu’une faculté très restreinte de synthèse, et sont naturellement plus analytiques.
À côté de cette inégalité de développement grammatical existe une diversité non moins frappante dans le système phonétique. Chez certaines familles,