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achever le tableau, les brigandages, les vols à main armée commis sur toutes les routes, les persécutions exercées à tour de rôle, par chaque parti vainqueur jusque dans les localités les moins importantes, sans parler des luttes qui décimaient l’armée et ont ensanglanté les villes principales du royaume ! Est-ce assez d’enseignemens ? Et pourquoi tant de maux, tant de désordres ? Ne semble-t-il point que les révolutions espagnoles n’aient été faites que pour procurer à tels ou tels un titre ou un grade ? De changemens dans les choses, on n’en saurait découvrir de réels. Et quand on voit cette nation si sobre et si fière, dont les soldats se battent bravement même les uns contre les autres, dont les classes élevées ne manquent ni de patriotisme ni de lumières, végéter misérablement dans cette existence tourmentée par des querelles d’antichambre ou de boudoir, on se demande qui lui a soufflé cet esprit de vertige et d’erreur !

Mais est-ce tout ? Après avoir précisé l’importance de la dette espagnole, montré les vides annuels du budget, établi en un mot les comptes du passé et la situation présente, n’y a-t-il pas à redouter les mêmes éventualités dans l’avenir ? Le déficit en un mot n’est-il pas l’état normal de l’Espagne, et cette dette de 4 milliards de francs n’est-elle pas destinée à s’accroître indéfiniment ?

Pour répondre à cette question, il convient d’examiner d’abord la nature et l’étendue des dépenses essentielles, ensuite la nature et l’étendue des ressources ; puis il faut voir si les unes peuvent être diminuées et les autres s’accroître suffisamment. On se convaincra bien vite que les dépenses sont loin d’être portées en Espagne au chiffre que réclameraient les besoins urgens d’un grand pays. Il est hors de doute que les fonctionnaires ne sont pas rémunérés suffisamment, et non-seulement il importe de supprimer du budget des recettes la retenue opérée sur les traitemens, mesure que le ministère vient d’adopter à partir du 1er mars dernier, mais encore il faut élever d’une manière notable le chiffre des traitemens, si on veut améliorer le personnel des fonctionnaires : il est vrai qu’on devra d’autre part en diminuer singulièrement le nombre, et guérir, s’il se peut, l’Espagne de la manie des places, véritable maladie sociale aussi bien au-delà qu’en-deçà des Pyrénées. La plupart des services ministériels sont dotés avec insuffisance, et si les dépenses du ministère de la guerre ont été plus largement évaluées par le cabinet actuel, 20 millions de francs ne sont point une allocation convenable pour la marine. Après avoir été la première puissance maritime du continent, l’Espagne ne peut consentir à posséder seulement 93 bâtimens, dont 11 transports et 3 pontons, portant 945 canons, et à n’avoir que 32 bateaux à vapeur, comptés eux-mêmes dans ce modeste chiffre de 93 navires. Le ministère de fomento, qui comprend à