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dire, pour ce qui concerne ce second emprunt forcé, que des souscriptions réellement volontaires le couvrirent à peu près entièrement.

Pendant cette période d’agitations et de troubles, inutile de se demander quel était l’état du trésor et comment il pouvait satisfaire à ses engagemens. M. Madoz, en prenant possession du ministère des finances, se trouvait en présence d’une dette flottante de 800 millions de réaux, et n’avait en ressources disponibles que 432,000 réaux ou 108,000 fr. ; aussi fut-il obligé de recourir aux plus durs expédiens. On se souvient de cette séance des cortès dans laquelle il fut constaté que, pour se procurer une somme en numéraire, l’administration avait dû fermer les yeux sur la plus grave des irrégularités. Toutes les fois en effet que le gouvernement empruntait contre dépôt de titres, le prêteur recevait, outre les bons ou reconnaissances du prêt, un dépôt de valeurs publiques qui devaient lui servir de double garantie, mais qu’il lui était impossible de négocier. Or, dans les circonstances dont il s’agit, le gouvernement avait évalué ces titres à un taux inférieur au cours du jour et négligé de prendre les précautions légales qui en empêchaient la négociation, de telle sorte que les prêteurs n’eurent rien de plus pressé que de vendre et de livrer leur gage, et de profiter, au détriment de l’état, de la baisse qui suivit naturellement cette opération. À côté de ces malversations, qui, si elles n’incriminent en rien la probité de M. Madoz, sont la condamnation des époques troublées où elles peuvent se commettre, il convient de rappeler les souffrances de tous les créanciers de l’état. C’est ainsi qu’à la fin de mai 1855, on présenta aux cortès, au nom des veuves et des orphelins pensionnés par le monte pio[1] des juges de première instance, une plainte d’où il ressortait que depuis le 1er janvier aucun à-compte ne leur avait encore été distribué, et le journal la España, en mettant cette triste situation à la charge du parti progressiste, faisait remarquer que sous d’autres administrations on touchait presque toujours deux mensualités par trimestre !

Il est vrai, et c’est encore un point à noter dans les procédés administratifs de l’Espagne, que si la nécessité oblige quelquefois le gouvernement à ne pas payer ses dettes, jamais il ne marchande quand il ne s’agit que de les reconnaître. La générosité va même fort au-delà des bornes. En arrivant au pouvoir, chaque parti se plaît Il indemniser ses adhérens des souffrances qu’ils ont endurées. En 1834, les fonctionnaires progressistes avaient été révoqués en masse, les officiers mis en non-activité ; dix ans plus tard, tous furent rappelés.

  1. On appelle monte pio une caisse de retraite et de pensions alimentée par les retenues opérées à cet effet sur le traitement des fonctionnaires. Le non-service des obligations du monte pio constitue une véritable banqueroute.