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En 1796, les recettes descendirent de 675 millions de réaux à 478, et les dépenses montèrent de 1,117 à 1,442. Pour une seule année, le découvert ne fût pas moindre de 820 millions de réaux ; à la paix d’Amiens, il atteignait le chiffre de 4 milliards 800 millions de réaux. Aussi les fonds espagnols étaient-ils tombés au prix de 53. Émissions de papier, emprunts avec obligations et lots tirés au sort, tous ces moyens, dont les dénominations semblent empruntées à la langue de la spéculation moderne, furent employés pour subvenir aux dépenses d’une politique extérieure insensée et d’un régime intérieur méprisable. Les communautés religieuses, le commerce furent mis à contribution ; on eut même, pour la première fois, recours à l’étranger, et les banquiers d’Amsterdam prêtèrent au gouvernement espagnol 48 millions de réaux en 1799, et 36 en 1801.

En 1804 dépendant l’Espagne revenait à l’alliance française, ou pour mieux dire l’Espagne ne s’appartenait plus. L’empereur Napoléon lui avait d’abord imposé le joug de son alliance ; bientôt il fit plus, il lui donna un de ses frères pour roi. Aussi dès 1808 la dette espagnole s’élevait à 7,200 millions de réaux. Le papier-monnaie, qui en 1806 perdait déjà 49 pour 100, se négociait à 72 pour 100 de perte en 1808, en 1809 à 90, et en 1811 à 96 pour 100. On sait quelle fut la fin de cette coupable exploitation d’un peuple et par quels héroïques efforts l’Espagne recouvra son indépendance. De tous les souvenirs mémorables laissés par une guerre qui dura six mortelles années, je ne veux en rappeler qu’un seul qui se lie plus étroitement à mon sujet ! Depuis trois ans, la dette publique restait en oubli, les intérêts n’étaient point payés : acculés à l’extrémité de la Péninsule, prêts à porter au-delà de l’Atlantique les restes d’une nationalité qui n’avait plus qu’une ville pour abri, les représentans constitutionnels du peuple espagnol n’en promulguaient pas moins à Cadix le décret du 13 septembre 1811, par lequel toutes les dettes tant anciennes que nouvelles étaient solennellement reconnues ; une capitalisation de 1 1/2 pour 100 était accordée pour tous les intérêts non touchés, et on y trouvait même exposées à l’avance, et dans la prévision du rétablissement de la paix, les règles les plus efficaces pour la bonne administration des ressources de l’état.

La paix vint en effet justifier la confiance de ceux qui dans les jours les plus mauvais n’avaient pas désespéré du crédit, c’est-à-dire de l’honneur financier de l’Espagne. Le papier de l’état remonta alors au cours de 44 pour 100, mais la dette ne se trouva pas moindre de 11,735 millions, c’est-à-dire que la guerre de l’indépendance avait coûté 4 milliards et demi. À ce pays épuisé d’hommes, ravagé par les armées ennemies et alliées, dont les vaisseaux avaient coulé bas à Trafalgar à côté des nôtres, dont les