d’un peuplier où il cherchait à dénicher des pies, Olivier le montra du doigt à sa femme : « Il aurait cet âge ! » dit-il.
Deux grosses larmes vinrent aux yeux de Mme Rose. Le comte s’éloigna. « Ah ! dit Mme Rose en répondant au regard de Georges, c’est le plus amer souvenir de ma vie. Moi aussi j’ai eu un fils…, il est mort tout petit ; j’étais malade déjà…. cette mort faillit me mettre au tombeau. C’est alors que d’autres ont pris sur M. de Réthel cet empire contre lequel je lutte en vain ! » Elle cacha sa tête entre ses mains et se mit à sangloter. « Vous ne savez pas ce qu’il me faut de courage pour n’y plus penser ! reprit-elle. Dès qu’on y touche, la blessure saigne. »
M. de Réthel était au pied de l’arbre et recevait Jacques dans ses bras.
« S’il eût vécu ! qui sait ? » murmura Mme Rose.
Georges la quitta remué jusqu’au fond du cœur. Ce soir-là, il se promena longtemps dans la prairie déserte, cherchant dans son esprit à comprendre comment le mari d’une telle femme avait pu jouer son bonheur domestique, le repos de son foyer, pour le mince plaisir de faire un peu de bruit. Un vent chaud s’éleva, et les étoiles disparurent sous un noir manteau de nuées épaisses ; bientôt la tempête se déchaîna, et la pluie tomba à flots accompagnée de coups de tonnerre. On entendait dans la nuit le craquement des arbres secoués par l’orage. Georges courut vers la Maison-Blanche et s’y enferma. Il n’y était pas depuis deux heures, lisant dans la bibliothèque et regardant par la fenêtre le feu des éclairs, lorsque deux ou trois coups, frappés rapidement à la porte, le tirèrent de sa rêverie.
« Eh ! là-haut ! ouvrez ! ouvrez donc ! » criait la voix bien connue de Canada. Georges descendit rapidement l’escalier, et le pêcheur parut en compagnie d’un étranger dont les vêtements étaient tout ruisselants d’eau.
« Pardon, monsieur Georges, si je vous dérange, dit Canada ; c’est monsieur qui l’a voulu, et, entre nous, il n’a fait que me prévenir dans mon idée…. Ah ! quel temps ! Ce n’est pas de la pluie, c’est la rivière qui tombe ! »
L’étranger se découvrit.
« Je viens, monsieur, dit-il, vous demander l’hospitalité pour un jour ou deux. Me l’accorderez-vous ? »
Georges salua le comte de Réthel et le pria d’entrer.
« La maison est à vous, dit-il.
— À présent que la promenade est faite, on s’en va, reprit Canada. Si l’on se doutait que je cours par un temps pareil, merci ! les coquins qui sont à vos trousses seraient bientôt chez moi. »
Un quart d’heure après Georges de Francalin et Olivier de Réthel étaient ensemble dans la bibliothèque. Lecomte s’était assis auprès