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de Yadou, qui régnait à Mathoura ; il obtint aussi la main de Mâdrî, fille du roi de Madra, pays situé au nord-ouest de l’Hindoustan. Malheureusement Pândou, étant à la chasse, tua par mégarde un brahmane qui le maudit en expirant, et le condamna à n’avoir pas de postérité. Accablé de douleur, ce prince s’exila dans la forêt avec ses deux femmes pour y vivre dans la pratique des austérités. Kounti était inconsolable de n’avoir pas d’enfans ; le dieu du jour (Vivasvat) lui fit connaître une formule magique au moyen de laquelle il lui serait facile d’appeler du haut des cieux celui des dieux qu’elle désirerait en faire descendre[1]. Le dieu de la justice répondit le premier à son appel, et elle en eut Youdhichthira, appelé aussi Dharmarâdja, le roi de la justice ; le dieu du ciel, Indra, vint à son tour, et elle mit au monde Ardjouna, le plus accompli des héros indiens après Rama ; enfin le dieu du vent, Vâyou, la rendit mère du terrible Bhîmasena, surnommé le Ventre-de-Loup (Vrikodara), guerrier brutal, prompt à se mettre en colère et pourtant facile à conduire quand la fureur ne l’aveugle pas. Alors le prince Pândou, qui aimait tendrement Mâdrî, son autre femme, sollicita pour elle la communication de cette formule magique. Madrî invoqua les Açvins, fils du soleil et d’une nymphe, médecins des dieux et les plus beaux d’entre les habitans du ciel. De ces divins jumeaux naquirent Nakoula et Sahadéva, gracieux guerriers aux pieds légers, habiles dans le combat, et qui partagèrent en toute occasion la bonne et la mauvaise fortune de leurs aînés. Peu après la naissance des jumeaux mourut Pândou ; Mâdrî l’accompagna sur le bûcher, et Kountî resta seule avec les cinq jeunes gens que l’histoire a célébrés sous le nom de Pândavas.

La légende, on le voit, a entouré de mystère la naissance des pères et celle des fils. L’intervention de Vyâsa d’abord, et plus tard celle des dieux, sont de ces données indiennes que nous aurions très volontiers omises, si elles ne servaient à faire comprendre la suite du récit. D’ailleurs la fable grecque n’est-elle pas remplie d’histoires semblables, et les dévas qu’adoraient les Aryens ont-ils commis plus de faiblesses que les dieux de l’Olympe ?

Voilà donc une scène bien garnie de personnages tous nés sous des influences surnaturelles. Au premier plan paraissent les fils de Dhritarâchtra, les Kourous[2], beaux jeunes gens pleins de vigueur,

    de deux années, une masse informe. Vyâsa, s’étant présenté à elle, lui demanda ce qu’elle désirait, et elle répondit : « Qu’il sorte cent fils de cette masse dure et compacte qui m’a tant fait souffrir… » Ibid., lect. 115.

  1. Voir le chant du Vanaparva, lect. 305.
  2. Ou Kaoravas, descendans de Kourou. Ce nom, qui est celui de la race à laquelle appartiennent Dhritarâchtra et Pândou, peut s’appliquer aussi aux fils de ce dernier, mais il sert à désigner plus spécialement les princes de la branche aînée.