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qui sépare l’Aventin du Palatin. De là jusqu’à la villa des Quintilii, le chemin de l’émeute est facile à suivre. Elle n’avait qu’à marcher droit devant elle sans s’écarter ni à droite ni à gauche ; sortant par la porte Capène, qui était un peu en avant de la porte actuelle de Saint-Sébastien, la foule, partie du cirque, se trouvait sur la voie Appienne et arrivait directement en moins d’une heure à la villa des Quintilii, située à la gauche de la route, dans le lieu où il reste de cette villa des ruines assez étendues pour qu’on leur ait donné le nom populaire de Vieille Rome, Monta Vecchia. Depuis les fouilles faites par le prince Torlonia, et d’après l’indice certain de plusieurs tuyaux de plomb qui servaient à conduire les eaux et portent les noms de Condianus et de Maximus Quintilius, on ne peut douter que ces ruines considérables, autrefois habitations opulentes, ne soient celles de la villa de ces deux frères, qui périrent sous Commode. Son souvenir y est donc attaché par une barbarie. Il faut bien le prendre où on le trouve, cet odieux souvenir, et puisque lui-même n’a pas élevé de monumens, le demander aux monumens de ses victimes.

L’histoire des deux frères est intéressante et romanesque. Condianus et Maximus Quintilius étaient distingués par la science, les talens militaires, la richesse, et surtout par une tendresse mutuelle qui ne s’était jamais démentie. Servant toujours ensemble, l’un se faisait le lieutenant de l’autre. Bien qu’étrangers à toute conspiration, leur vertu les fit soupçonner d’être peu favorables à Commode ; ils furent proscrits et moururent ensemble comme ils avaient vécu. L’un d’eux avait un fils nommé Sextus. Au moment de la mort de son père et de son oncle, ce fils se trouvait en Syrie. Pensant bien que le même sort l’attendait, il feignit de mourir pour sauver sa vie. Sextus, après avoir bu du sang de lièvre, monta à cheval, se laissa tomber, vomit le sang qu’il avait pris et qui parut être son propre sang. On mit dans sa bière le corps d’un bélier qui passa pour son cadavre, et il disparut. Depuis ce temps, il erra sous divers déguisemens ; mais on sut qu’il avait échappé, et on se mit à sa recherche. Beaucoup furent tués parce qu’ils lui ressemblaient ou parce qu’ils étaient soupçonnés de lui avoir donné asile. Il n’est pas bien sûr qu’il ait été atteint, que sa tête se trouvât parmi celles qu’on apporta à Rome et qu’on dit être la sienne. Ce qui est certain, c’est qu’après la mort de Commode, un aventurier, tenté par la belle villa et par les grandes richesses des Quintilii, se donna pour Sextus et réclama son héritage. Il paraît ne pas avoir manqué d’adresse et avoir connu celui pour lequel il voulait qu’on le prît, car par ses réponses il se tira très bien de toutes les enquêtes. Peut-être s’était-il lié avec Sextus et l’avait-il assassiné ensuite. Cependant l’empereur