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avance les vertus que doit admirer le monde, et à y lire les espérances du genre humain. Un de ces bustes est placé tout près d’un Caracalla jeune, au visage bouffi et méchant. Le contraste est frappant. Tout l’avenir des deux empereurs est là. L’un promet, l’autre menace.

Il n’est pas surprenant que les images de Marc-Aurèle soient si nombreuses. Il y en avait une dans presque toutes les maisons. Qui ne la possédait chez lui était considéré comme sacrilège. Le plus remarquable portrait de Marc-Aurèle est sa statue équestre de la place du Capitole ; elle s’élève là où de son temps, ainsi qu’il nous l’apprend lui-même dans une lettre à Fronton, existait encore le bois de l’asile qui remontait au temps de Romulus. Rien de plus simple que la pose du cavalier impérial, rien qui sente moins la prétention. Dans presque toutes les statues équestres modernes, il y a du Franconi. L’antiquité n’est jamais tombée dans cette faute, et pouvait encore moins y tomber quand il s’agissait d’un souverain célèbre par sa simplicité. Marc-Aurèle n’a point d’étriers ; les Romains ne paraissent pas les avoir connus. Son assiette est solide et aisée tout ensemble. On pourrait croire qu’il ordonne par son geste de cesser le combat :

Dextra vetat pugnas,

comme dit Stace en parlant de la statue équestre de Domitien ; mais le véritable sens de ce geste est indiqué par un bas-relief dont je parlerai bientôt, qui représente Marc-Aurèle de même à cheval, et, agenouillés devant lui, des chefs barbares auxquels il fait grâce. Le mouvement de la main de l’empereur est exactement le même dans la statue et dans le bas-relief. Seulement le bas-relief explique l’attitude de cette main en montrant les ennemis supplians vers lesquels elle est étendue ; c’est un geste clément.

La belle statue équestre de Marc-Aurèle est du très petit nombre des statues en bronze doré que le cours du temps et surtout l’avidité des hommes ont épargnées. Il y a quelque chose à reprendre, dit-on, au point de vue de l’art hippique, dans la disposition des jambes du cheval : on peut trouver qu’il est un peu massif. C’est un puissant cheval de guerre, taillé en force, comme il devait l’être, pour emporter l’empereur à travers les montagnes et les marais de là Pannonie, et qui étonne un peu les Anglais, car il ne ressemble nullement aux sveltes vainqueurs d’Epsom. Du reste, un bas-relief du Vatican fait voir que des chevaux plus élancés figuraient dans les courses du cirque.

Une légende a conservé les monumens de Trajan au moyen âge : une erreur a sauvé la statue de Marc-Aurèle. Il paraît qu’on l’avait