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rencontrer à peu près à moitié chemin l’emplacement d’une autre villa d’Antonin, celle de Laurium, où il fut élevé. La simplicité avec laquelle il y vivait est prouvée par un petit fait qui a échappé à l’oubli. Les vêtemens que l’empereur portait à Laurium avaient été fabriqués dans le voisinage. Nous savons qu’il aimait les champs, et, sauf la rudesse, conservait tout d’un vieux Romain, jusqu’au goût de l’agriculture.

À Rome, il paraît avoir préféré, comme Nerva, au séjour dans le palais impérial, une habitation privée. C’était la maison que Pompée avait autrefois possédée dans le quartier des Carines, qui, comme on sait, était le beau quartier de Rome ; il a bien changé depuis.

Antonin le Pieux eut aussi sa colonne, mais ce n’était pas celle qui porte le nom d’Autonine, et qui, à l’imitation de la colonne Trajane, présente, figurées dans des bas-reliefs analogues, les guerres de Marc-Aurèle en Pannonie. Antonin le Pieux, comme je l’ai dit, ne fit point la guerre et n’aurait eu garde d’accepter l’hommage d’un monument triomphal quelconque. La colonne dressée en son honneur fut érigée par ses deux fils adoptifs, Marc-Aurèle et Lucius Verus, et après sa mort, car le piédestal porte un bas-relief qui représente son apothéose et celle de Faustine son épouse. C’était une simple colonne funéraire de granit. Elle n’existe plus, car elle a servi à restaurer l’obélisque de Psammétique Ier à Monte-Citorio. Le piédestal a été sauvé et placé dans le jardin du Vatican. On y voit un génie ailé emportant dans l’Olympe Antonin le Pieux et sa femme. L’art chrétien a fait plus d’un emprunt à l’art païen, et bien des fois les peintres modernes ont représenté des saints et des saintes portés au ciel par des anges assez semblables au génie qui enlève dans les airs Antonin et Faustine.

Adrien faisait abattre les monumens élevés par Trajan. Antonin le Pieux n’en agit pas ainsi envers celui qui l’avait adopté, et pour la mémoire duquel il montra toujours ce sentiment pieux qui lui a valu son nom. Sa reconnaissance avait élevé un temple à Adrien, dont il acheva le mausolée ; à cela près, on ne voit guère Antonin faire autre chose que réparer des monumens au lieu d’en construire de nouveaux. Il restaura la Geoeco-Stasis[1], l’amphithéâtre, le Panthéon, le vieux pont Sublicius illustré par Horatius Coclès, et que l’on reconstruisait toujours en bois. Antonin le Pieux bâtit très peu à Rome, comparativement à beaucoup d’empereurs qui ne le valaient pas, ce qui porte à penser qu’il aimait mieux épargner la fortune publique et ménager l’argent des contribuables que de les employer à embellir la ville de quelques monumens de plus.

  1. Édifice destiné à recevoir les ambassadeurs.