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qui a eu lieu il y a trois mois, et qui est rendue publique aujourd’hui seulement. Cette discussion s’est agitée dans la chambre du clergé à l’occasion d’un projet de loi ayant pour objet d’admettre aux emplois de médecins de l’état et de professeurs dans les écoles industrielles, ou des beaux arts les Suédois d’une religion autre que celle de l’état lui-même. Il est curieux de voir comment, sauf quelques honorables exceptions, les orateurs se perdent en toute sorte de détours hors de la question, parce que la liberté religieuse, qui est le point essentiel, est justement ce qui les effraie et ce dont ils ne veulent pas entendre parler. L’un consentirait bien à voter la loi, si on lui prouvait tout d’abord que la réforme proposée ne contribuera pas à augmenter le nombre des dissidens ; l’autre déclare nettement qu’aussi longtemps que l’état professera une foi religieuse, tous les fonctionnaires, à son avis, devront partager cette foi. M. Wenloe, prédicateur de la cour, estime qu’un médecin catholique serait fort dangereux au chevet de ses malades, et qu’un professeur à l’école des arts et métiers ne serait pas moins redoutable pour les humbles ouvriers, à qui il pourrait insinuer entre la coupe des pierres et l’usage du rabot quelque doctrine hérétique. Quant aux beaux-arts, qui ne sait qu’ils ont d’intimes liens avec le catholicisme ? M. l’évêque Fahlcrantz ajoute qu’on ne peut imaginer quelle facilité ont les membres de l’église romaine pour le prosélytisme, qu’il faut les voir à l’œuvre dans les hôpitaux, où ils n’admettent les protestans que dans le dessein bien évident de les convertir. Heureusement un des juristes les plus distingués de la Suède, M. Nordstrom, conservateur des archives royales, est venu mêler à ce débat la voix du bon sens et de la raison, en montrant ce qu’il y avait d’injuste à priver le pays des services d’un certain nombre de ses enfans les plus dévoués par ce seul fait qu’ils professent une autre religion que celle de la majorité. Une autre discussion récemment publiée aussi, et non moins curieuse, est celle à la suite de laquelle la majorité de la cour suprême de Suède, faisant à la fois office de cour de cassation et de conseil d’état, a rejeté le projet de loi relatif à la liberté religieuse que le gouvernement avait fait élaborer. Au lieu d’examiner le caractère constitutionnel de la loi, les membres du tribunal suprême se sont livrés à des déclamations contre la liberté religieuse, ou ont proposé des amendemens qui rendaient le projet encore plus intolérant. La question était bien simple. La constitution dit que le roi « doit maintenir chacun dans le libre exercice de sa religion aussi longtemps qu’il ne trouble pas le repos public. » Vous apercevez là peut-être une prescription favorable à la liberté de conscience : c’est une erreur ; la constitution a voulu dire que le roi doit assurer à chacun le libre exercice de sa religion à lui chef de l’état. On avait mal compris jusqu’ici le sens de ce pronom. M. le conseiller Backman a eu l’honneur de cette découverte, et ses collègues n’ont pu que se rendre à des raisons si plausibles, et voilà comment le fanatisme sait trouver des argumens irréfutables même dans la grammaire !

Pour tous les peuples, sous quelque régime qu’ils vivent, il y a des difficultés incessantes, et même quand ces difficultés ne se lient pas à des troubles intérieurs profonds, à des luttes de principes ou à des conflits diplomatiques, elles montrent encore ce qu’il y a de laborieux dans, la politique. Depuis trois mois, le Portugal vit dans une sorte de crise permanente entre des chambres nouvelles, dont les tendances sont indécises ou contradictoires,