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soprano, mezzo-soprano, ténor et basse, est chanté par Rezia, Fatime, Scherasmin et son maître le chevalier Huon. Huon et Scherasmin proposent aux deux filles de l’Orient de s’enfuir avec eux à travers les flots bleus, — Ueber die blauen Wogen, — comme dit le texte allemand. Rezia et Fatime acceptent la proposition en répétant la même phrase que viennent de chanter Huon et Scherasmin, et puis les quatre voix se réunissent et forment un ensemble plein d’élégance et de clarté.

Puck, l’ami et le ministre d’Oberon, évoque les esprits élémentaires de la nature pour exécuter certains ordres qu’il va leur donner. Il en résulte un air d’un caractère étrange et d’une harmonie très accidentée. L’apparition des esprits, qui accourent de tous côtés à la voix de Puck, donne lieu à un chœur original qui est tout à fait dans la manière de l’auteur du Freyschütz. — Que veux-tu ? disent les génies. Devons-nous couper la lune en deux, obscurcir le soleil, ou bien veux-tu que nous épuisions l’Océan de toute l’eau qu’il renferme ? — Non, répond Puck, je vous demande seulement de conduire au port ce vaisseau qui emporte Rezia et le chevalier Huon. — Ce n’est que cela ! répliquent les esprits en riant, et leurs éclats de rire font surgir les notes successives d’un accord de septième diminuée, dont Weber se sert très souvent ; ce qui faisait dire à Beethoven, en parlant d’Euryanthe : C’est un amas d’accords de septième diminuée. Voilà pourtant comment les grands artistes se jugent entre eux ! La tempête qui vient après ce chœur d’une originalité recherchée, tempête qui éclate par l’ordre du capricieux et puissant Oberon, est une assez belle page de symphonie pittoresque qui n’a pas cependant toute la grandeur qu’on pourrait désirer. La prière de Huon qui vient d’échapper à la tourmente, et qui s’inquiète du sort de la pauvre Rezia, qu’il a perdue, accompagnée par les instrumens à cordes qui frappent doucement de simples accords plaqués, cette prière est d’un beau caractère, et Michot y met l’onction pénétrante qu’elle exige. La scène et l’air où Rezia s’adresse à l’Océan immense qui a failli l’engloutir dans ses profondeurs est peut-être le morceau le plus difficile à chanter de la partition. Il exige une voix très étendue et aussi flexible que puissante, surtout dans la troisième partie à douze-huit. C’est en chantant cet air d’une déclamation vigoureuse que miss Paton, qui a créé le rôle de Rezia, perdit la santé. Le chœur à l’unisson des nymphes de la mer, qui commence le finale du second acte, est conçu dans un rhythme plein d’élégance et de morbidesse. L’accompagnement obstiné du cor enchanté d’Oberon donne à cette délicieuse marine une couleur vraiment féerique. Au Théâtre-Lyrique, cette mélodie ravissante est chantée par la seule voix de Puck, représenté par Mlle Borghèse, qui la dit trop lentement, et qui n’imprime pas au rhythme ce balancement voluptueux que le peintre a voulu produire. Le chœur des nymphes, avec la danse des esprits qui l’accompagne, est encore une de ces pages de musique pittoresque où l’imagination poétique de Weber brille dans toute sa grâce. C’est par ce beau tableau, qui aurait été magnifique sur la grande scène de l’Opéra, que se termine le second acte. Nous allions presque oublier de mentionner le charmant duo de Puck et d’Oberon avec accompagnement de violon-solo, qui sert de transition entre la première et la seconde partie de ce finale remarquable.