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des principes qu’il a tenté d’établir dans les trois domaines dont se compose le domaine entier de l’intelligence. Quoiqu’il ait débuté par un Essai sur les Fables de La Fontaine, et qu’il n’ait abordé la philosophie pure qu’après avoir discuté largement les mérites et les lacunes de l’histoire romaine de Tite-Live, pour estimer sévèrement, je veux dire justement la valeur de ses travaux, il faut les placer dans un ordre logique, aller de la philosophie à l’histoire, de l’histoire à la poésie. Toute autre méthode affaiblirait l’évidence des conclusions auxquelles nous voulons arriver. Si M. Taine a pris pour nouvelle, pour victorieuse, une doctrine déjà éprouvée depuis longtemps, s’il s’est laissé abuser par la rigueur de l’exposition et n’a pas mesuré les conséquences nécessaires des principes exposés, ce serait de notre part une étrange ingénuité que d’accueillir avec étonnement les jugemens qu’il porte sur les écrivains de notre temps qui ont voué leur vie à la philosophie. Une fois sorti du domaine de la philosophie pure, quand il entre dans le domaine des faits, il obéit à la doctrine qu’il a voulu ressusciter, qu’il a cru douer d’une nouvelle jeunesse en l’appliquant aux œuvres contemporaines. Ce qu’il dit de Tite-Live n’a rien d’inattendu, quand on a pris soin d’étudier ses travaux en suivant un ordre logique. Étant donné ce qu’il pensait de la philosophie, il devait parler de l’histoire comme il en a parlé. Il ne pouvait dire que ce qu’il a dit. Ce n’est pas chez lui une boutade, un caprices c’est tout simplement une nécessité. Voilà. ce qu’il faut se hâter de reconnaître, si l’on veut porter sur M. Taine un jugement équitable, et lorsqu’enfin nous avons à nous prononcer sur sa méthode appliquée à la poésie, il faut nous rappeler très nettement ce qu’il a dit de la philosophie et de l’histoire. Cette troisième forme de sa pensée est aussi fatale que la seconde. La première seule a été librement choisie, aussi est-ce à la première que nous devons demander compte des deux autres, Si les principes philosophiques préférés par M. Taine sont depuis longtemps réfutés, nous sommes dispensé de discuter l’application de ces principes à l’histoire, à la poésie. Nous savons d’avance ce qu’ils vaudront dans le domaine des faits, dans le domaine de l’imagination. S’ils subissent victorieusement l’épreuve de l’analyse, nous serons obligé d’en estimer pas à pas les applications diverses.

Le nombre des doctrines philosophiques n’est pas indéterminé ; elles sont comptées, et l’esprit humain n’est pas en mesure Rétablir une théorie absolument nouvelle pour la déduction des idées premières. M. Taine, qui sait beaucoup de choses, n’a pas réglé sa conduite sur l’étendue de son savoir i. Il connaît certainement l’histoire complète des doctrines philosophiques, mais il a oublié qu’elles se meuvent et se produisent dans un cerclé prévu, et qu’il n’est pas