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II. – L’OPINION PUBLIQUE, LE MOUVEMENT RELIGIEUX ET LA PROPOSITION ROYALE.

Au commencement de ce siècle, le clergé suédois, à l’ombre de la doctrine officielle, professait généralement le rationalisme, non pas précisément ce qu’on entend aujourd’hui par ce mot, mais un mélange singulier des idées encyclopédistes avec les théories de la révolution française. À Lund comme à Upsal, à l’église comme dans le monde, on proclamait partout l’avènement de la raison. Quiconque se piquait de posséder quelque culture rougissait de se reconnaître chrétien. Le mouvement scientifique donnait libre cours à son hostilité contre l’Évangile, et la littérature ne cherchait de modèles que parmi les écrivains français du XVIIIe siècle. La Suède n’avait pas échappé à l’indifférentisme qui glaçât alors chez tous les peuples les esprits et les cœurs ; mais, comme tous les peuples, elle eut vers le même temps sa rénovation littéraire, et le mouvement des intelligences entraîna les âmes. Un des premiers maîtres de la nouvelle école poétique, Geijer, à la fois historien et philosophe, poète et professeur à l’université d’Upsal, publia en 1811 un petit écrit contre l’incrédulité religieuse[1]. Ses Idées sur la philosophie de l’histoire, qu’on vient de publier récemment d’après les notes recueillies par ses élèves, montrent combien ardemment il désirait une transformation complète de la théologie consacrée et une réforme entière de l’église. Son livre devint en 1811 le signal d’une réaction dont certains prédicateurs recueillirent et développèrent soigneusement les germes.

Bientôt après, Wallin, un de ces orateurs de la chaire luthérienne, entra dans le mouvement et fonda à Stockholm une société biblique. Poète ingénieux et élevé, comme le prouve son Ange de la Mort, il réussit à se faire charger, de concert avec quelques collègues, d’une révision du recueil des psaumes. Il le récrivit en entier dans une langue magnifique, et l’augmenta d’un certain nombre de cantiques nouveaux ; mais les campagnards suédois se montraient fanatiquement attachés aux anciens rites, aux formules et aux paroles consacrées par les âges. Wallin eut de grandes luttes à soutenir pour faire accepter ses réformes. Il avait reçu de la nature tous les dons qui font le grand orateur : la puissance du regard, le timbre grave et flexible de la voix, l’expression solennelle de la physionomie et du geste. On le compte parmi ceux qui ont su véritablement approprier l’éloquence de la chaire au génie des peuples du Nord. Malheureusement il n’a pas fait école. Il fut un des principaux

  1. Om sann och falsk Upplysning i afseende pă Religionen (de la Vraie et de la Fausse Lumière en matière de Religion).