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les plus zélés à des conférences familières, où le professeur apparaissait comme un ami et un conseiller, où les jeunes intelligences se développaient moralement et religieusement dans une atmosphère de confiance et de liberté. En Suède, rien de pareil. L’idée du développement régulier de la théologie, impliquant, sous certains rapports, la négation de l’absolue vérité du symbole, serait d’avance flétrie comme rationaliste. La moindre pensée de progrès dans le domaine religieux effraie la plupart des représentans de l’église établie. On semble le pressentir, la formation de l’individualité chrétienne entraînerait la ruine du christianisme officiel.

Ainsi, et pour nous résumer, l’église luthérienne suédoise, considérée extérieurement, c’est-à-dire vis-à-vis du pays, est une église officielle, une église d’état dans toute l’acception du terme. C’est un instrument d’action temporelle et politique, et non pas d’action spirituelle et religieuse. Au dedans, son dogmatisme consacré oppose de graves obstacles à l’éducation et à l’exercice de la conscience chrétienne. Sa chaire reproduit un type uniforme de prédication, son enseignement catéchétique ou théologique est une lettre froide et morte. Est-ce à dire que la population soit indifférente ? est-ce à dire que les temples soient déserts ? Nullement, surtout dans les provinces. Malgré la longue durée des offices, le campagnard, poussé par une antique et pieuse coutume, s’y rend avec sa famille, bien qu’il lui faille franchir d’énormes distances[1]. Mille secrets désirs d’une doctrine plus voisine des âmes, mille aspirations vers une lumière plus accessible et plus vivifiante, se sont manifestés depuis quelques années ; mais en même, temps il a fallu constater mille efforts d’une opposition officielle qui s’alarme de ces aspirations et de ces désirs. Le symbole étant divin de sa nature, c’est faire acte de révolte que de demander une réforme spirituelle. Faire usage de sa conscience, donner la préférence à l’Évangile sur la confession de l’église, relativement au rite du baptême par exemple, c’est véritablement tenter une entreprise révolutionnaire. Aux yeux des défenseurs de l’église établie, on est coupable de rationalisme, de panthéisme, d’athéisme même, quand on est simplement fidèle à l’Évangile. L’opposition devient ainsi impossible, la discussion est abolie, et les esprits sérieux sont découragés. Pour mettre fin à une pareille situation, il ne faudrait rien moins qu’une révolution religieuse. Voyons si nous ne découvrirons pas quelques symptômes qui feraient croire à une transformation prochaine.

  1. Il n’est pas inutile de remarquer que, si l’on excepte quelques villes, les temples ne sont chauffés nulle part en hiver, et les paysans norrlandais y endurent souvent 30 degrés centigrades de froid ; mais, hélas ! à peine arrivé, le campagnard s’endort, et c’était naguère encore l’usage général de faire circuler pendant l’office les bedeaux armés de longs bâtons pour réveiller les endormis.