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par d’émouvantes descriptions des tourmens de l’enfer, par l’idée de la damnation éternelle, le tout à grand renfort d’images capables d’ébranler les nerfs et de remuer les âmes. C’est ainsi que la prédication en Suède s’est, au moins sous certains rapports, séparée des immortelles aspirations de l’âme, c’est-à-dire de ce qui fait l’essence même de la vie religieuse ; c’est ainsi qu’elle est devenue pour plusieurs une sorte d’abstraction monotone, tempérée plus ou moins par une morale formaliste, tandis qu’un petit nombre d’hommes de talent n’y voient que l’art d’entraîner les esprits et de faire couler des larmes.

L’enseignement catéchétique offre le même caractère que la prédication. Au lieu de l’Évangile, on met sous les yeux de l’enfant le Grand-Catéchisme, un livre dont l’obscurité dogmatique arrête jusqu’à des intelligences viriles. Les choses religieuses deviennent pour le jeune lecteur comme autant de mystères. Une commission a été nommée pour élaborer un nouveau catéchisme, et n’avait que revêtir l’ancien d’un caractère plus dogmatique encore. Outre l’enseignement religieux donné dans l’école, il y a celui de l’église ; mais ici se retrouve toujours le catéchisme, dont le pasteur ne donne guère qu’une paraphrase sans s’écarter jamais de la route officielle.

L’enseignement théologique n’est pas moins stérile que l’enseignement catéchétique. Bien que la Suède possède deux universités, à Upsal et à Lund, bien que le nombre des étudians y soit assez considérable, l’état actuel de l’église suédoise en écarte chaque jour les jeunes esprits, et le moment n’est pas éloigné peut-être où l’on sera très embarrassé de remplir les places restées vacantes dans l’institution religieuse. C’est que l’enseignement théologique des universités suédoises, comparé à l’état actuel de la science chrétienne, offre peu de vie et d’originalité. Nulle individualité puissante ne s’y peut faire place. L’indépendance spirituelle y est un contre-sens. Le règne tyrannique du symbole n’y admet que la science officielle. On y reproduit les maximes d’une orthodoxie surannée, quand l’état présent de la science et les besoins des âmes réclameraient de tout autres lumières. Quant à l’estime extérieure que rencontre l’enseignement de l’église d’état, on s’est accoutumé au dehors, sous l’empire de la tradition, à considérer les choses religieuses, soit comme l’affaire des théologiens de profession, soit comme la forme populaire d’une science abstraite et vide. Les rapports des étudians et des professeurs manquent en général d’abandon ; le professeur joue trop le rôle de docteur vis-à-vis de l’étudiant : l’émulation n’a guère d’aliment, et les aspirations à une science créatrice sont plus ou moins paralysées. Dans les universités allemandes, un Jean de Müller, un Neander, appelaient une ou deux fois par semaine les étudians