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pour entretenir une ventilation continue, fort salutaire, qui ne peut incommoder le malade placé sur un lit, dans une région plus élevée. Quant aux salles qui contiennent des blessés porteurs de pourriture d’hôpital, une fois imprégnées de miasmes contagieux, il est fort difficile de les purifier. Il faut les abandonner pendant un certain temps, les blanchir à la chaux, les arroser fréquemment de chlorure, y faire souvent des fumigations désinfectantes. À ce prix seulement, la pourriture d’hôpital peut être évincée.

Le traitement local a été la cautérisation au fer rouge, ou le perchlorure de fer, puissant caustique qui pénètre- facilement dans toutes les sinuosités de la plaie, et dont M. Salleron s’est servi avec succès. Les pansemens au jus de citron, les poudres de charbon, de quinquina, unies au camphre, ont secondé efficacement l’action des caustiques. Des lotions continues d’eau froide tombant goutte à goutte sont encore un bon moyen désinfectant, un excellent modificateur des plaies, un sédatif constant de la douleur. Quelques injections de teinture d’iode, dont M. Velpeau a généralisé l’emploi, ont donné également des résultats avantageux. Toutefois ce ne sont là que des auxiliaires. Les caustiques sont seuls capables d’arrêter la marche de la pourriture d’hôpital, et de supprimer spontanément la source des liquides putrides qui infectent l’économie tout entière.

Il y a eu de nombreux cas de congélation pendant les deux hivers de 1855 et 1856 ; mais les faits observés ont présenté des différences notables. En 1855, le froid n’a pas été très intense ; ce sont les pluies qui ont abondé ; le sol est resté longtemps détrempé, surtout dans les tranchées. Les pieds des soldats, macérés dans l’eau glaciale, ont subi des effets de congélation semblables à ceux que nous avions observés en 1836 sous les murs de Constantine. C’était une tuméfaction accompagnée de rougeur et de plaques gangreneuses plus ou moins prononcées. La congélation reproduisait les six degrés d’altération admis par Dupuytren dans la brûlure. On sait que le froid et le chaud déterminent les mêmes effets. La désorganisation s’opérait par une gangrène humide.

Au contraire, pendant le rigoureux hiver de 1856, où le thermomètre centigrade est souvent descendu à 20 degrés au-dessous de zéro, on a observé des gangrènes sèches et subites. Des malades transportés à l’ambulance sur des cacolets, des soldats endormis sous la tente ont eu les extrémités gelées. L’énergie du froid refoulait les liquides, et les pieds desséchés, réduits de volume, parcheminés pour ainsi dire, devenaient blancs, décolorés ; puis il se formait une escarre noire, sèche, une véritable momification.

En Russie, quand on voyage en traîneau sans avoir pris la précaution de se couvrir de fourrure le nez et les oreilles, il arrive de la même façon que le nez et les oreilles blanchissent tout à coup, se