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feraient scrupule, en temps d’épidémie, d’une promenade à cheval, négligeant pour eux-mêmes les mesures préventives qu’ils conseillent à autrui. Cet excès d’abnégation peut priver l’armée d’hommes instruits et compromettre le service des malades. Rien n’empêche les officiers de santé de loger à 200 mètres de l’ambulance ; les médecins de garde y passeraient seuls la nuit.

Il va sans dire que par momens le corps médical avait tant de besogne, que les forces humaines et l’activité la plus ardente n’y pouvaient satisfaire. Quelque nombreux qu’il puisse être, il devient forcément insuffisant au moment d’une bataille ou d’une épidémie. lorsqu’une demi-journée de combat envoie à une centaine de médecins d’ambulance six ou sept mille blessés à la fois, pourront-ils placer assez tôt une simple compresse et une bande autour de chaque blessure ? pourront-ils faire pour chacun les opérations qu’indique la chirurgie ? Pour ces besoins, on avait créé en Crimée un personnel en sous-ordre qui a rendu les plus grands services. Notre mode de recrutement fait de notre armée une image vivante de notre société et en rassemble sous les drapeaux les divers élémens. Parmi les convalescens, nous rencontrions souvent des jeunes gens qui avaient reçu de l’instruction, des bacheliers, des avocats même. Un certain nombre d’entre eux auraient dû retourner dans leurs familles avec un congé de convalescence ; mais nous retînmes ceux qui paraissaient capables d’aider les médecins. Ces nouvelles fonctions, en leur apportant quelque bien-être, accéléraient leur guérison ; bientôt même, devenus tout à fait valides, ils retournaient à leurs corps, et d’autres les remplaçaient. Ces utiles auxiliaires portaient le titre de soldats panseurs. MM. Scrive, Thomas, Morgue, Lustreman, en Crimée et à Constantinople, les façonnaient avec un soin particulier et faisaient le plus grand éloge de leur promptitude et de leur habileté. Quand le typhus décima le corps médical, on craignit un moment de manquer de médecins. On pressait le ministre de la guerre d’en envoyer le plus possible ; mais le ministre n’en avait plus à sa disposition, et le recrutement ne répondait pas aux besoins. Grâce aux soldats panseurs, on a pu triompher de cette grave difficulté. Sans leur précieuse assistance, le service médical eût été entravé. Ces agens subalternes ont montré un zèle, une aptitude, une intelligence qu’on ne trouve si communément, il faut le dire, que dans l’armée française. Ils étaient chargés de la tenue des cahiers de visite, de la distribution des alimens prescrits et des médicamens, de l’application des pansemens simples, cataplasmes, vésicatoires, etc. Ils préparaient avec une rare adresse les appareils à fracture ; ils étaient même parvenus à panser, sous les yeux des chefs de service, les amputés d’une manière irréprochable. L’un d’eux par exemple a pu