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sont immédiatement embarqués ; quinze amputations sont pratiquées. Arrivée sous les murs de Sébastopol, l’ambulance s’installe dans une ferme tartare en ruines, et reçoit les premiers blessés du siège. Le 6 novembre, jour de la bataille d’Inkerman, une section s’en détache pour se rendre au camp du Moulin. Elle reçoit 400 blessés russes, et comme il est plus facile d’apporter des tentes que d’emporter les blessés, elle reste définitivement sur le champ de bataille avec une brigade de sa division. On l’avait établie provisoirement sur le lieu du combat sans se préoccuper du choix de l’emplacement. Plus tard le mauvais temps empêcha de la transporter ailleurs et même de l’agrandir. Elle était sur un terrain plat, dominé, resserré de tous côtés par les camps anglais et français ; mais elle se trouvait à proximité des travaux de siège, à l’entrée du ravin du Carénage et à peu de distance de celui de Karabelnaïa. C’était sur cette ambulance divisionnaire que les ambulances de tranchée évacuaient la plupart des blessés. On y a fait jusqu’à cent trente grandes opérations en vingt-quatre heures, à la suite d’un de ces combats de nuit qui étaient si meurtriers et si fréquens dans l’hiver de 1855.

Cependant la 3e division du 2e corps avait fait des pertes cruelles et nombreuses. Ses chefs les plus vaillans étaient tombés à sa tête ; son effectif était réduit à 3,000 hommes. Elle reçoit l’ordre d’aller sur la Tchernaïa et d’y remplacer la 1re  division. Chaque division laisse ses ambulances et ses malades dans leurs positions respectives, le personnel médical et le matériel administratif se déplacent seuls, passant d’une ambulance dans une autre.

L’ambulance que la 1re  division laissait à la 3e était dans une situation heureuse, sur le plateau d’Inkerman. Le sol était sec, élevé, légèrement incliné, soumis à la continuelle ventilation d’une brise bienfaisante. C’était un quadrilatère allongé, séparé en deux parties égales par un chemin empierré. L’enceinte était formée par une tranchée et par un amas de tonneaux remplis de terre servant de parapet. Les abris étaient des tentes-marquises, simples ou doubles, des tentes turques ou des baraques. Des vingt-quatre baraques, dix-sept avaient été fournies par les Anglais ; mais, improvisées au début de la campagne, elles ne valaient pas celles que l’armée reçut plus tard. Basses, humides, mal aérées, elles n’étaient employées que par nécessité. La baraque affectée au logement des médecins se trouvait au milieu même de l’ambulance. Les médecins, après avoir subi pendant le jour l’infection miasmatique, y séjournaient encore pendant la nuit sans aucune nécessité. On ne saurait trop insister sur le danger et l’inutilité de pareilles imprudences. Les officiers de santé exagèrent presque toujours le sentiment du devoir. Ils restent à l’ambulance, même quand leur service est terminé. Ils se