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jamais songé à trafiquer avec d’autres pays, et il en est résulté que nos opérations d’échange sont demeurées très restreintes.

« C’est pourquoi les bâtimens américains doivent commencer les transactions à Nagasaki à partir du premier mois de l’année prochaine. Ils se procureront dans ce port du charbon de bois, de l’eau, de la houille et d’autres articles ; mais comme nos goûts et notre manière de procéder sont encore très dissemblables, comme nous n’avons pas les mêmes notions sur les prix et sur la valeur des objets, il est indispensable que nous nous observions mutuellement pendant un temps d’épreuve ; puis, après un délai de cinq ans, nous pourrons ouvrir un autre port au commerce, ce qui sera avantageux à vos bâtimens. Nous conserverons de part et d’autre, comme exprimant nos vues respectives, un exemplaire de votre projet de traité et un exemplaire de celui que nous vous remettons.

« Kayei, 7e année, 2e mois, 17e jour (15 mars 1854). »


À cette note, qui reproduisait purement et simplement, et presque dans les mêmes termes, les idées, exprimées dans la première réponse à la lettre du président, étaient annexées sept propositions qui devaient servir de base aux négociations futures. Le lendemain, 17 mars, le commodore eut une nouvelle entrevue avec les plénipotentiaires, et il insista sur la nécessité d’agrandir le champ du débat. Il déclara ne point vouloir accepter pour les Américains le port de Nagasaki, où depuis si longtemps les autorités étaient habituées à traiter avec tant de dédain les sujets hollandais ; il demanda que trois ports au moins fussent ouverts immédiatement ou sous un bref délai aux navires des États-Unis ; il ajouta qu’à aucun prix il n’accepterait pour ses concitoyens les conditions humiliantes auxquelles s’étaient soumis les Hollandais et les Chinois pour conserver la faculté d’entretenir avec le Japon un trafic presque insignifiant. — Les Japonais ne devaient point être surpris de ces prétentions, que leur avait fait pressentir l’attitude ferme et résolue de leur adversaire ; mais ils s’étaient à dessein retranchés derrière une haie d’objections, espérant ainsi que leurs concessions successives auraient pour les Américains d’autant plus de prix qu’elles semblaient plus difficiles à obtenir. La narration américaine s’étend longuement et avec complaisance sur les luttes en apparence très vives qui s’engagèrent entre le commodore et les princes japonais. Chaque proposition rencontrait une objection insurmontable. Indiquait-on un autre port que Nagasaki, les princes se récriaient comme si les destinées du Japon étaient en jeu. Le commodore insistait, il invoquait d’excellentes raisons, et, pour conclure, il présentait l’épouvantail de cette seconde escadre qui allait venir des États-Unis, — argument suprême et toujours décisif. Les princes demandaient à délibérer entre eux sur une si grave affaire, ils se retiraient dans leur cabinet ; puis, au bout de