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particulièrement les canons et les armes, et ils passaient des heures entières à contempler les machines des steamers. Ils prenaient la mesure des canots, palpaient les cordages, tournaient autour du cabestan, suivaient la chaîne de l’ancre ; en un mot, ils touchaient à tout,’comme des enfans terribles. À terre, quand ils rencontraient un officier, c’était la même curiosité, s’acharnant après les moindres détails, cherchant à analyser, jusqu’au dernier bouton, le vêtement de l’Américain, observant ses pas et démarches, et couchant sur le papier le résultat de cette enquête infatigable. Les Japonais avaient le soin de toujours questionner et le talent de ne jamais répondre. Aussi, après le départ de l’escadre, les Japonais en savaient beaucoup plus long sur les États-Unis que les Américains sur le Japon. Ce n’était point précisément avec cette intention que le commodore avait pénétré si avant dans la baie de Yédo.

Les négociations ne marchaient pas très rapidement. Le 16 mars, les plénipotentiaires répondirent aux communications écrites que le commodore leur avait adressées le 8 et le 11, relativement à la conclusion d’un traité analogue au traité chinois ; voici la note japonaise :


« A notre conférence du 8, vous nous avez remis une note dans laquelle sont exposées les vues du président, et le 11 nous avons reçu, en réponse à notre lettre, une autre note qui reproduit les idées que vous nous aviez exprimées déjà au sujet des relations de commerce qui existent aujourd’hui entre les États-Unis et la Chine. Nous avons examiné attentivement ces deux communications. Vous désirez savoir si nous sommes disposés à accepter un traité semblable à celui que la Chine a conclu. Les idées contenues dans votre note du 8 sont la reproduction de celles qui étaient exprimées dans la lettre du président, et vous demandez si nous y adhérons. Dans notre lettre, il vous a été clairement notifié que notre empereur venait de monter sur le trône, qu’il avait à régler de nombreuses affaires, et qu’il n’avait pas le loisir de s’occuper de négociations avec les étrangers. Ce fut pour ce motif que, pendant l’automne dernier, il pria le surintendant du commerce hollandais de porter ces événemens à votre connaissance, afin que vous puissiez en rendre compte aux États-Unis.

« Parmi les points dont vous nous proposez l’adoption, il en est deux qui nous paraissent très fondés, et qui doivent être concédés sans difficulté. Nous accorderons, d’une part, assistance et protection aux navires naufragés ou poussés vers nos côtes, d’autre part nous fournirons du charbon et des provisions de vivres aux bâtimens qui relâcheront dans nos ports ; mais quant à l’ouverture du commerce telle qu’elle a eu lieu entre votre pays et la Chine, nous ne saurions assurément y consentir dès à présent. Les mœurs et les sentimens de notre population ne ressemblent en rien à ceux des autres contrées, et il serait extrêmement difficile de modifier à cet égard nos vieilles habitudes. Les Chinois étaient depuis longtemps en rapport avec les pays de l’Occident, tandis que nous n’avons eu jusqu’ici de relations de commerce qu’à Nagasaki, et seulement avec les Hollandais et les Chinois. Nous n’avons