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Cet incident donna lieu, en décembre 1853, à une correspondance assez curieuse, dans laquelle est retracée l’histoire de l’archipel Bonin. Dès 1675, l’île principale avait été visitée par les Japonais, qui la nommèrent Bune-Sima. En 1823, elle fut abordée par le capitaine américain Coffîn, et en 1827 par le capitaine anglais Beechey. La découverte n’appartient donc pas aux Anglais, mais on peut supposer que le capitaine Beechey se livra patriotiquement et selon toutes les règles à la formalité de la prise de possession, détail que le capitaine américain, venu trois ans avant lui, avait complètement négligé. En 1830, cinq habitans des îles Sandwich, — deux Américains, un Anglais, un Génois et un Danois, — se mirent eh tête de s’établir dans quelque île déserte de l’Océan-Pacifique, et, d’après les indications du consul anglais, ils se rendirent à l’archipel Bonin, accompagnés de vingt-cinq où trente indigènes. À son arrivée, le commodore Perry trouva à Port-Lloyd huit Européens et une trentaine d’hommes de couleur, originaires des Sandwich. Au mois d’août 1853, la population tint une assemblée générale, s’intitula « colonie de l’île Peel, » vota une constitution et se donna un gouvernement composé d’un président et d’un conseil de deux membres. L’Américain Nathaniel Savory fut élu président de la petite république. Voilà donc l’objet si grave de la correspondance diplomatique engagée entre sir George Bonham et le commodore ! Le cabinet de la reine d’Angleterre s’est occupé des îles Bonin, le Foreign-Office a écrit des dépêches sur ce pauvre archipel ! En même temps les journaux anglais dénonçaient au monde l’impertinente prétention d’un amiral américain, osant acheter quelques acres d’une terre qui devait être, qui était britannique ! Cette affaire est aujourd’hui tombée dans l’oubli, et il faut espérer que les grandes puissances permettront désormais à la famille de Robinsons établie à Port-Lloyd de vivre indépendante et tranquille, à l’abri de sa jeune constitution.

En janvier 1854, le commodore se retrouvait à l’île Liou-tchou, et il se disposait à retourner au Japon, le délai qu’il avait accordé au cabinet de Yédo pour la reprise des négociations étant expiré. À la veille de partir, il reçût de Batavia une dépêché par laquelle le gouverneur-général des Indes hollandaises, M. Duymaer van Twist, l’informait qu’il était chargé par le gouvernement japonais d’annoncer au gouvernement des États-Unis la mort de l’empereur du Japon et de faire connaître que les longues cérémonies du deuil impérial, ainsi que les formalités en usage à l’avènement d’un nouveau souverain, ajournaient forcément toute délibération sur la politique étrangère ; le cabinet de Yédo exprimait donc le désir que l’escadre s’abstînt de reparaître dans les ports du Japon à l’époque qui avait