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sous des broderies en or et en argent. Comme étiquette, tout était irréprochable.

L’ambassadeur des États-Unis et les plénipotentiaires japonais se trouvaient donc en présence. L’étonnement devait être égal de part et d’autre, mais combien différentes les censées secrètes qu’inspirait aux représentans des deux puissances ce rapprochement solennel ! Le commodore éprouvait en portant ses regards autour de lui une légitime fierté. Avant lui, aucun officier européen n’avait été admis à fouler si près de la capitale le sol du Japon, ni à voir face à face des princes de la cour de Yédo, expressément investis de la délégation impériale. Son entrée dans la salle d’audience était pour le Japon, pour le monde entier, un grave événement, et pour lui-même un triomphe. Quant aux princes d’Idzu et d’Iwami, ils comprenaient que leur pays était vaincu, humilié par la seule présence de ces étrangers, qui jusqu’alors avaient été traités avec tant de dédain, et qu’il fallait aujourd’hui recevoir en grande pompe, en grand costume, avec tous les dehors de la plus parfaite égalité. Que devait penser la population, vainement éloignée des abords de la tente par un triple rang de troupes, en voyant ces démonstrations inaccoutumées ? L’orgueil des plénipotentiaires était soumis à une rude épreuve, et jamais peut-être princes japonais n’eurent à accomplir de corvée aussi pénible. Certes le sujet prêtait aux réflexions, et il est à croire que les préoccupations des personnages réunis dans la salle d’audience étaient en effet très vives, car il s’écoula près d’un quart d’heure dans le silence le plus complet. Enfin l’interprète se décida à demander si le commodore était disposé à remettre ses dépêches, et il montra une boîte où elles devaient être déposées. Le commodore fit aussitôt avancer les deux mousses porteurs des dépêches, puis les deux nègres, qui, après avoir déplié les feuillets et montré les sceaux, placèrent le paquet de lettres sur le couvercle de la boîte désignée par l’interprète. Celui-ci s’approcha ensuite des plénipotentiaires ; il reçut des mains du prince d’Iwami un rouleau qu’il remit directement au commodore, en indiquant que c’était l’accusé de réception. Ces différentes formalités, auxquelles les interprètes eurent seuls à prendre part, furent suivies de quelques minutes de silence. Le commodore tâcha d’engager la conversation ; il pria son interprète de faire connaître qu’il partirait sous deux ou trois jours pour les îles Liou-tchou et pour Canton, et qu’il se chargerait volontiers des dépêches du gouvernement de Yédo ; il annonça son retour pour le printemps prochain. L’interprète japonais demanda si le commodore se représenterait avec ses quatre navires. — Assurément, et même avec un plus grand nombre, car les quatre navires ne forment qu’une division de l’escadre. — L’interprète fut sans doute médiocrement satisfait de cette réponse ; il n’insista pas. On