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faux dans cette apparition de l’agriculture, cet art si utile et si modeste, au milieu des splendeurs du luxe le plus ruineux. Ces animaux, couchés sur leur fumier, si soigné qu’il fût, cadraient mal avec ces voûtes magnifiques, si bien que des maladies épidémiques se sont déclarées parmi eux et en ont emporté beaucoup ; le grand air des champs, avec ses rudesses salubres, leur convient mieux que la température chaude et malsaine des palais, même les plus immenses. Ce ne sont pas d’ailleurs les fêtes de ce genre qui nous manquent : le concours annuel de Poissy empruntera cette année un éclat particulier à la suppression de |l’exposition universelle ; beaucoup d’animaux anglais y viendront, dit-on, et les concours régionaux, plus véritablement utiles que ceux de Paris, parce qu’ils sont plus près des cultivateurs, s’organisent en ce moment sur tous les points du territoire.

Un exemple nouveau montre combien il faut peu compter sur l’efficacité de certains remèdes. Une loi récemment rendue a affecté 100 millions à des prêts publics pour travaux de drainage. Cette loi n’a pas encore pu s’exécuter, soit que l’argent ait manqué, soit pour toute autre cause, et il en est résulté jusqu’à présent ce singulier effet, que la plupart des entreprises de drainage commencées ou en projet se sont arrêtées : tout le monde attend l’argent de l’état. Plus on veut venir au secours des intérêts privés, plus on s’expose à les rendre inertes.

D’autres proposent des mesures contre la spéculation : rêves impuissans ! La spéculation est inévitable, elle a même son utilité. Tout ce qu’on peut faire, c’est de favoriser le moins possible l’aliment qui la nourrit, la variation excessive des valeurs de bourse. La spéculation a sans doute ruiné beaucoup de joueurs pour en enrichir quelques-uns ; elle a, par des fortunes subites sur un coup de dé, contribué à décourager le travail et l’économie, qui sont les seuls producteurs ; mais ce n’est pas elle qui a absorbé tous les capitaux dont l’agriculture déplore la perte. Ces capitaux sont venus surtout s’enfouir dans les emprunts publics que la guerre a nécessités, et qui forment de beaucoup la plus grande partie des émissions nouvelles. Puisque la guerre était engagée, ils n’avaient rien de mieux à faire : avant tout, l’honneur du drapeau et le salut de notre brave armée. On oublie trop de quelle épreuve nous sortons à peine, et combien cet effort gigantesque a dû épuiser une nation beaucoup moins riche malheureusement que son alliée.

Le véritable remède est plus simple : il consiste tout uniment à ramener les dépenses publiques, qui ont dépassé 2 milliards par an depuis trois ans, au chiffre de 14 ou 1,500 millions, qui a suffi dans d’autres temps, et plus bas encore s’il est possible ; à suspendre tous les travaux publics sans utilité, en accroissant d’autant la dotation