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traversées n’en a que plus porté sur l’autre moitié, l’est, le sud-ouest et le centre ; ces 43 départemens, déjà beaucoup moins peuplés que les autres, ont perdu ensemble 350,000 habitans, dont moitié par la mortalité et moitié par l’émigration, ce qui, ajouté aux 450,000 qu’ils auraient dû gagner, donne un déficit total de 800,000 âmes.

Le déficit de récolte a été énorme dans cette seconde région, il a généralement dépassé le quart et sur beaucoup de points la moitié du produit normal. La hausse des denrées agricoles, si profitable aux contrées de la France qui ont un excédant à exporter, y a été un fléau de plus pour les cultivateurs, réduits eux-mêmes à faire venir du dehors une partie de leurs subsistances. Voilà surtout pourquoi une portion de la population a péri et une autre a émigré. À l’intensité près, qui a été infiniment moindre, parce que la population était moins pressée et la perte de récolte moins complète, c’est la même crise qu’en Irlande il y a dix ans.

Ce qui prouve que des causes particulières ont opéré chez nous, c’est que le reste de l’Europe, malgré les mauvaises années, qui ont été à peu près les mêmes partout, n’a pas également souffert. En 1851, l’Angleterre était déjà deux fois plus peuplée que la France, et sa population monte toujours ; pendant que les décès excèdent chez nous les naissances, l’excédant des naissances sur les décès est d’environ 360,000 âmes par an dans les îles britanniques, ce qui fait ressortir entre les Anglais et nous, bien que leur territoire soit moins étendu, une différence de 430,000 nouveaux êtres vivans pour 1854 et probablement aussi pour 1855. Il est vrai que les progrès de la production n’ayant pas pu suivre ce progrès de la population, l’émigration à l’extérieur a dû en enlever la plus grande partie ; mais cette émigration n’est pas sans influence sur la puissance de l’Angleterre : elle répand dans tous les coins du monde la race anglo-saxonne et crée des empires nouveaux. Nous savons d’ailleurs que, depuis deux ans, elle a diminué de moitié. En même temps l’importation des denrées agricoles ne s’accroît pas en proportion de l’accroissement de population, et, bien que la consommation moyenne des Anglais soit bien supérieure à la nôtre, leurs progrès agricoles sont tels que le prix de la viande et du pain, beaucoup plus élevé autrefois chez eux que chez nous, est maintenant égal et plutôt au-dessous. La prospérité agricole est de plus en plus la base indestructible de cette puissance colossale, la plus grande que le monde ait jamais vue, sans en excepter l’empire romain, car Rome n’a jamais commandé qu’à 100 millions d’hommes, tandis que l’Angleterre commande à 200 millions.

La petite Belgique, dont le territoire n’est que le vingtième du