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la masse de la production, et c’est à coup sûr un fort mauvais moyen d’augmenter la production que d’employer la puissance du budget à faire concurrence au travail rural. Toute cette population produisait beaucoup et consommait peu quand elle se livrait à la culture ; aujourd’hui elle produit peu et consomme beaucoup : la conséquence est inévitable.

Les agglomérations de population dans les grandes villes ont en France des dangers particuliers ; si l’on doit les accepter quand elles se produisent d’elles-mêmes, on ne doit pas les exciter artificiellement. Ces masses sommeillent aujourd’hui, mais elles peuvent se réveiller à tout moment, et on sait combien leurs réveils sont terribles. De même que la politique, la morale est ici, comme toujours, complètement d’accord avec la science économique. Les populations urbaines, qu’il ne faut pas confondre absolument avec les populations industrielles, et en particulier avec celles des capitales, sont beaucoup plus accessibles que les autres aux entraînemens désordonnés, Ce fait est surtout très sensible en France, et a une action marquée sur le mouvement de la population. Tous les chiffres de la statistique s’unissent pour montrer que la vie moyenne est plus courte, la proportion des mariages moins élevée, le nombre des naissances plus faible, le rapport des enfans naturels aux enfans légitimes plus considérable, le chiffre des morts-nés plus fort, dans les villes que dans les campagnes, et à Paris que dans les autres villes.

C’est donc bien réellement un fait déplorable que ce déplacement qui a enlevé à l’agriculture tant de bras sans compensation. Dans les départemens les plus rapprochés de Paris, comme l’Oise, la Somme, Seine-et-Marne, le Calvados, l’Eure, etc., la diminution de la population perd beaucoup de sa gravité. Il y a eu augmentation de richesse, même agricole, dans un rayon d’environ cinquante lieues autour de la capitale ; l’énorme surcroît de consommation qu’une agglomération inouïe a provoqué sur ce point a profité surtout aux provinces les plus rapprochées. Le déficit de récolte y a été d’ailleurs peu sensible ; outre les avantages particuliers à cette région du territoire, où les violentes variations du climat sont plus rares qu’ailleurs, la somme des capitaux employés de longue main à l’agriculture y a triomphé jusqu’à un certain point des intempéries. La même observation peut s’appliquer aux départemens de l’ouest en général, qui sont en progrès évident sous tous les rapports, ainsi qu’à ceux du sud-est, où les dépenses de la guerre ont attiré un immense courant de capitaux, de sorte que la moitié environ du territoire a gagné au lieu de perdre ; l’augmentation totale y a été de 600,000 âmes, ou l’équivalent de l’accroissement normal. Malheureusement le poids des circonstances pénibles que nous avons