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la risquer de nouveau ! Et qu’on ne s’imagine pas que ce soit là une bravade passagère, un vain désir de poser en conspirateur, en homme d’action devant ses contemporains : non, cette pensée se retrouve à chaque page du livre, en maint endroit, plus nettement, plus énergiquement exprimée. M. Orsini a donné d’assez éclatantes marques de son courage, de sa témérité même, pour qu’on ne l’accuse pas de n’être brave qu’en paroles. Puisse son évasion, si habilement préparée, si intrépidement accomplie ; puisse cet impérieux besoin d’affronter de nouveaux dangers convaincre les malveillans que ce n’est point le cœur qui manque à l’Italie ! Malgré les conditions désastreuses au milieu desquelles ce pays se débat aujourd’hui, M. Orsini n’y est point une exception. Les Italiens ont prouvé par les héroïques combats de la campagne de Lombardie, par leur attitude au milieu des troupes françaises sous l’empire, et surtout par la continuité de leur résistance passive depuis cinquante ans, qu’ils ne méritent pas le reproche de lâcheté. Ce qui leur manque, c’est de savoir unir leurs forces et en faire un sage et utile emploi. En attendant ce progrès si désirable et si nécessaire, ce ne sont pas des indices à dédaigner sur l’état de l’Italie que les plaintes encore vives, après vingt ans, de ce prisonnier du Spielberg à qui l’âge et les souvenirs n’ont pas glacé le cœur ; que les impétueux élans de ce conspirateur acharné, qui croit n’avoir point fait assez pour sa patrie tant qu’il n’aura pas versé pour elle jusqu’à la dernière goutte de son sang, et surtout l’active complicité de ces bourgeois des villes, de ce peuple des campagnes, qui, s’il n’a pas su toujours se rallier pour prendre part aux batailles de la liberté, se montre du moins si empressé à en sauver les victimes. L’Italie a prouvé ; quoi qu’on en dise, qu’elle n’est pas la terre des morts : il lui reste, pour se relever comme nation, à tirer parti des forces vitales, dont la nature ne s’est pas montrée moins prodigue à son égard qu’envers tous les grands peuples.

F.-T. PERRENS.

ŒUVRES INEDITES DE LEIBNITZ[1]. — Le mérite de l’intéressante publication que poursuit depuis trois années déjà M. Foucher de Careil n’est pas, jusqu’à présent du moins, de rien changer à ce que l’on savait de la vie ou de la doctrine de Leibnitz. La biographie du grand homme, si souvent retracée depuis Fontenelle et Brucker, a été en quelque manière épuisée en 1842 par M. Guhrauer, de si regrettable mémoire, et M. Guhrauer lui-même n’a guère fait alors que coordonner, avec le talent qui lui appartenait, les nombreux travaux de ses devanciers. Quant à la doctrine, quant à la suite des inventions et des idées, ces véritables ; événemens de la vie des philosophes qui ont le bon esprit de ne vouloir être que des philosophes, on peut dire que déjà au dernier siècle le gros recueil de Dutens, dans lequel se sont fondus tous les recueils précédons, et notamment ceux de Raspe, de Desmaizeaux et de Bousquet, les avait complètement fait connaître. Leibnitz en effet n’est-il pas tout entier dans la Théodicée, les Nouveaux Essais, Les Lettres à Clarke et la Correspondance avec Bernouilli, et quand on a médité ces chefs-d’œuvre, ne connaît-on pas le beau génie auquel ils sont dus ? Bien des opuscules inédits ont vu le jour depuis lors ; mais aucun, pas même le plus important

  1. Publiées par M. Foucher de Careil, 2 vol. in-8o, Paris, Durand, 1857.