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tains désirs à Turin, serait-on plus satisfait secrètement de cet antagonisme que d’un rapprochement. Voila comment, au point de vue de ses rapports diplomatiques en Europe et de sa situation particulière en Italie, l’Autriche a commis une faute par sa dépêche du mois de février, et elle en commettrait une plus grande encore par une rupture complète, devant laquelle s’arrêtera la prudente habileté des conseils de l’empereur François-Joseph. Dans le travail universel de la politique de l’Europe, les affaires du Danemark n’occupent point, si l’on veut, une des premières places ; elles apparaissent même parfois comme une énigme à travers les obscurités d’une histoire intérieure assez complexe et les inépuisables commentaires d’une diplomatie laborieuse, et cependant tous ces intérêts qui s’agitent au nord ont un poids dans la balance ; ils se rattachent par plus d’un côté à l’ordre général, dont ils sont un des élémens. En un mot, ce qu’on nomme la question danoise peut devenir aussi une question européenne au même titre que les affaires de Neuchâtel ou les relations de l’Autriche et du Piémont en Italie. Il est à peine nécessaire de rappeler d’où viennent ces complications, legs onéreux des dernières commotions du continent. Elles se sont aggravées, il y a quelques mois, par l’immixtion diplomatique des cabinets de Vienne et de Berlin, qui sont intervenus à Copenhague au nom des duchés allemands liés à la monarchie danoise. La Prusse et l’Autriche sont allées peut-être plus loin qu’elles n’auraient voulu ; elles ont servi dans leurs démarches moins un intérêt politique supérieur que les passions et les exigences de cette petite et violente féodalité du Holstein, toujours irritée contre tout ce qui vient de Copenhague ; puis, comme pour sortir d’embarras, elles ont fini par laisser planer sur le Danemark la menace de le réduire par la pression de la confédération germanique tout entière. Le Danemark à son tour, non sans avoir longuement discuté avec lui-même, vient de répondre à ces représentations diplomatiques par de nouvelles notes et de nouveaux mémorandums. Le petit royaume du Nord soutient son rôle en défendant les droits de son indépendance, sans faiblir devant l’intimidation, comme aussi sans décliner les transactions possibles. Un envoyé danois fort mêlé à ces affaires, M. de Bülow, a été chargé d’aller appuyer à Vienne et à Berlin les considérations développées par M. de Scheele dans ses dépêches, et en même temps le cabinet de Copenhague vient de s’adresser aux autres gouvernemens de l’Europe, à la France, à l’Angleterre, à la Russie. C’est tout un épisode diplomatique qui se poursuit, et qui semble prendre aujourd’hui un aspect assez grave. Plusieurs questions, comme on sait, faisaient l’objet des réclamations des cours de Vienne et de Berlin. La Prusse et l’Autriche demandaient l’exécution définitive d’un article du traité de paix de 1850, qui prescrit la fixation de la frontière entre la partie allemande des états du roi de Danemark et la partie non allemande, c’est-à-dire entre le Holstein et le Slesvig ; elles déniaient au gouvernement danois et au conseil supérieur de la monarchie le droit de disposer des domaines situés dans le Holstein et le Lauenbourg, en réservant la libre disposition de ces domaines aux états provinciaux. Enfin, chose plus grave, et qui est la difficulté essentielle, elles revendiquaient pour les duchés le droit d’être consultés sur la constitution commune que le roi de Danemark a donnée le 2 octobre 1855 à tous ses états.