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sage de l’empereur François-Joseph en Lombardie ? Quant à la souscription milanaise pour l’érection d’un monument à l’armée sarde, M. de Cavour réduit cette affaire aux plus insignifiantes proportions, en effaçant le caractère originel du don, et en assurant d’ailleurs que ce monument ne portera aucune inscription de nature à exciter les susceptibilités du gouvernement impérial.

Le plus simple examen des deux documens diplomatiques qui ont été mis au jour éveille, ce nous semble, une impression naturelle : c’est que de la part de l’Autriche l’effort a évidemment dépassé le but, c’est qu’il y a une disproportion singulière entre les petits froissemens que M. de Buol énumère et la démarche diplomatique assez grave que le cabinet impérial vient de faire. C’est une querelle sans motifs actuels ou récens, qui éclate trop tard, surtout dans un temps inopportun, au moment où le gouvernement piémontais, satisfait par la levée des séquestres, était prêt à se rapprocher du gouvernement autrichien et à renouer des rapports plus réguliers que ceux qui ont existé depuis quelques années. Au lieu d’un rapprochement devenu possible, c’est la menace d’une rupture plus sérieuse, et cette menace vient de l’Autriche. Jusqu’ici il n’y a qu’une communication diplomatique, un peu comminatoire, il est vrai ; mais après la réponse de M. de Cavour le cabinet de Vienne se laissera-t-il entraîner jusqu’à retirer sa légation de Turin et à rompre toute relation avec le Piémont ? L’Autriche se trouve malheureusement ici entre une sorte d’inconséquence si elle s’arrête, et une extrémité qui ne serait qu’une seconde faute ajoutée à la première, si elle va plus loin. À quoi servirait en effet une rupture ? Diplomatiquement, elle isolerait l’Autriche ; elle ne pourrait que rendre plus délicate et plus sensible une situation déjà assez difficile. Ce n’est point en France évidemment que le cabinet de Vienne peut trouver un appui pour des essais d’intimidation et de pression vis-à-vis du royaume de Sardaigne. L’Angleterre lui serait encore, moins favorable, et c’est alors que cette alliance accidentelle dont on a vu récemment l’ombre s’évanouirait. L’Autriche a pu penser qu’elle aurait au moins l’approbation de la Russie, elle l’a cru ; c’était une illusion un peu trop fondée sur l’oubli du passé. Le gouvernement russe a pu blâmer d’une façon générale les excès de la presse : c’est dans l’ordre de sa politique ; au fond, il serait plutôt porté à être l’allié du Piémont, qui a été son ennemi, que l’allié de l’Autriche, qui ne l’a pas combattu les armes à la main, — de telle façon qu’une rupture complète avec Turin ne ferait qu’embarrasser l’Autriche en ajoutant des difficultés de plus à sa situation diplomatique. Il y a un fait bien plus sensible encore, si l’on se tourne vers l’Italie. À qui profiterait réellement cette rupture au-delà des Alpes ? Si ce n’est pas un combat à main armée, ce n’est plus qu’un état d’antagonisme reconnu et accepté devant l’opinion. Or, dans ces conditions, tous les dangers seraient pour l’Autriche, tous les avantages seraient pour la Sardaigne, qui n’a rien à craindre. Le Piémont ne pourrait que voir s’accroître sa popularité, son influence en Italie, sans être menacé d’ailleurs par l’esprit révolutionnaire, qui viendrait se briser contre l’inébranlable solidité de la monarchie de Savoie. Le cabinet de Vienne ne peut ignorer que tout ce qui éloigne le Piémont de l’Autriche n’est point essentiellement une cause d’affaiblissement pour le gouvernement sarde. Peut-être même, si on se laissait aller à cer-