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ties, pour faciliter un dénoûment dont le cabinet de Londres, si nous ne nous trompons n’est point le dernier à lui tenir compte. La paix a été conclue, disons-nous, à la suite de concessions, mutuelles. En effet, l’Angleterre n’a plus insisté sur la destitution du sadrazam ou premier ministre du shah, avec qui M. Murray avait eu sa querelle ; elle renonce à cette protection des sujets persans qui a été la cause de la dernière rupture diplomatique ; elle n’a point soutenu jusqu’au bout les prétentions qu’elle avait d’abord pour l’admission de ses consuls, et s’est bornée à obtenir le traitement de la nation la plus favorisée. Enfin elle doit rendre les territoires qu’elle occupe. D’un autre côté, M. Murray retournera comme ministre britannique à Téhéran et y recevra les honneurs, qui lui sont dus. Hérat restera une ville indépendante, l’indépendance de l’Afghanistan est également reconnue. Peut-être aussi l’Angleterre, et la Perse se sont-elles mises d’accord sur la politique à suivre en commun dans ces contrées. Au moment où les chambres s’ouvraient à Londres, cette négociation était commencée à Paris. Le cabinet anglais était donc fondé à éluder toute discussion publique malgré d ! assez pressantes sollicitations ; le parlement était obligé de céder devant un grand intérêt national. Le ministère anglais a pu ainsi échapper par la négociation à un débat qui s’ouvrira dans des conditions bien meilleures pour lui après la fin d’une guerre couronnée par un traité favorable.

Mais s’il en était ainsi de la guerre avec la Perse, la question des hostilités ouvertes contre la Chine dans la rivière de Canton restait entière. Si l’on va au fond de cette affaire, il est impossible de ne point reconnaître que jamais conflit, n’a éclaté pour un motif plus futile, à moins que l’Angleterre n’ait eu le dessein prémédité de forcer définitivement l’entrée de la Chine, ce que le cabinet de Londres n’avoue pas. De quoi s’agissait-il effectivement à l’origine ? Toute la question était de savoir si un petit navire, la lorcha l’Arrow, était dans des conditions telles que la protection britannique lui fût assurée, et si les autorités chinoises, en visitant cette embarcation, ont violé les traités et les privilèges de la nationalité anglaise. Seulement, cette première difficulté une fois créée, le gouverneur anglais de Hong-Kong, sir John Bowring, s’est armé d’un autre grief ; il a saisi l’occasion de faire triompher un droit depuis longtemps réclamé par la Grande-Bretagne et obstinément refusé par la Chine, le droit d’admission des Anglais à Canton. Le gouverneur de cette dernière ville, le mandarin Yeh, a eu recours à toutes les subtilités évasives de la diplomatie chinoise ; il n’a voulu reconnaître ni la nationalité britannique de l’Arrow, ni le droit d’admission réclamé par sir John Bowring ; il a résisté en un mot. De là le conflit. L’amiral Seymour, recourant à la force, a bombardé Canton. Qu’en est-il résulté ? De grands désastres sans doute, un état de guerre qui met en péril des intérêts immenses et la vie de milliers d’hommes, une absence complète de sécurité pour les populations étrangères, livrées aux passions de la multitude dans les villes chinoises où elles sont admises. Et cependant il est très vrai que la nationalité britannique de la lorcha l’Arrow n’était rien moins que constatée. Si le traité de Nankin stipule l’admission des étrangers dans la cité de Canton, il est très vrai aussi que cette admission a toujours été jugée comme une question d’opportunité, de telle sorte que, pour des griefs douteux ou sujets à discussion, les autorités anglaises ont été conduites à une exécution