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I


Vois, par-dessus la haie où chantent les fauvettes,
Dans le foin verdoyant aux teintes violettes,
Cachés jusqu’aux genoux et montant de là-bas,
Les faucheurs, alignés, marchant du même pas.

En cercle, à côté d’eux, frappent les faux tournantes ;
Le fer siffle en rasant les tiges frissonnantes,
Et, dans le vert sillon tracé par les râteaux,
L’herbe épaisse à leurs pieds se couche en tas égaux.

À l’ombre, au bout du pré, chacun souffle à sa guise ;
Le travailleur s’assied, et sa lame s’aiguise,
Et l’on entend, parmi les gais refrains, dans l’air,
Tinter sous le marteau l’acier sonore et clair.

Toi, qui fuis ces labeurs que la sagesse envie,
Pourquoi, sans t’arrêter, passer devant la vie,
Voyageur poursuivi par ton rêve importun,
Et refuser ta part dans le bonheur commun ?


BERTHE


Nouez les ronces aux charmilles
Et l’aubépine à l’églantier ;
Tendez vos rets, ô jeunes filles,
Entre les buissons du sentier.

À ce bel étranger morose
Qui voit les fleurs sans les cueillir,
Fermez, d’une chaîne de rose,
Le chemin qu’il prend pour nous fuir.


FRANTZ


Au rossignol chanteur préparez une cage,
Tressez pour l’enfermer le jonc et le glaïeul ;
Mais au loup, s’il se montre, ouvrez vite un passage :
Je suis méchant, et je veux rester seul !


BERTHE


Ton cœur vaut mieux que tes paroles ;
Tes regards sont tristes, mais doux ;
Il faut qu’ici tu te consoles,
Loin des bois où vivent les loups.