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de Claude et de Trajan : « Enfin les vaisseaux entrent dans les bassins qu’embrassent des jetées dont les bras prolongés s’avancent au milieu de la mer et laissent loin derrière eux l’Italie. » L’expression est forte, mais l’exagération même du poète montre aussi bien que les restes existans du double port l’impression que devait produire l’œuvre de Claude, encore agrandie par Trajan.

Il agrandit également le cirque, ajouta à sa magnificence, et dans une inscription se félicita de l’avoir fait assez vaste pour qu’il suffît au peuple romain. Le cirque couvrait alors 4 arpens et pouvait contenir 250,000 spectateurs. Il devait plus tard en contenir encore davantage, car ce monument de la passion nationale, celle-là innocente, pour les courses a toujours été en augmentant d’étendue depuis les rois jusqu’aux derniers empereurs et a suivi le mouvement de la population romaine, dont aux diverses époques il est, pour ainsi dire, la mesure. Le caractère d’un souverain se manifeste dans tout ce qu’il entreprend ; un changement introduit par Trajan dans la disposition de la loge de l’empereur lui fait honneur, et a mérité le juste éloge que Pline lui adresse. Auguste avait construit cette loge de façon à être, s’il le voulait, à l’abri des regards du public. Trajan fit abattre cette espèce de rempart de la majesté impériale, de manière à être constamment en vue du peuple, qui aimait à le voir. Grâce à ce changement, 5,000 personnes de plus purent jouir du spectacle des courses.

On voudrait que la mémoire d’un empereur aussi humain que Trajan ne fût liée au souvenir d’aucun divertissement cruel ; mais il faut payer tribut à son temps, et les combats de gladiateurs étaient trop chers au peuple romain, ils étaient entrés trop avant dans ses mœurs pour qu’un empereur païen songeât à les supprimer ou même à les restreindre. Trajan ne le pouvait faire et ne le fit point. Pline, le plus doux des hommes, le loue d’avoir « donné un spectacle, non de ceux qui peuvent amollir l’âme, mais de ceux qui sont propres à enflammer le courage, à familiariser avec de nobles blessures et à nous inspirer le mépris de la mort. » C’est l’opinion de Cicéron, qui était aussi humain que Pline et Trajan. Du moins ce dernier n’imita pas Domitien dans la tyrannie que celui-ci faisait peser même sur les plaisirs sanglans du peuple, et Pline put le louer de n’avoir point gêné la liberté des applaudissemens, de n’avoir point fait un crime aux citoyens de prendre en aversion quelque gladiateur, de ce que jamais un spectateur n’avait été donné lui-même en spectacle. Où en était-on venu, bon Dieu ! pour qu’il y eût là matière à admirer ?

Il est une classe de monumens élevés par Trajan qui échappent à ces études, mais qu’il faut signaler parce qu’ils ont une importance historique, parce qu’ils nous font connaître un des traits particuliers