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et à la page d’après me récrier sur sa diligence inouïe à élever des temples. Les dissipations insensées des Néron et des Caligula avaient rendu leur manie de bâtir un vrai fléau, un tort envers l’état sévèrement relevé par les historiens, et dont Pline veut justifier son héros, qui n’avait pas besoin de cette justification. Par la sage administration de Trajan, l’ordre était rentré dans les finances, les impôts avaient été réduits, et il put construire de superbes monumens sans mériter aucun reproche. Pline lui adresse une louange plus vraie, celle d’avoir entretenu les édifices anciens tout en en construisant de nouveaux, et d’avoir même réparé les maisons des particuliers. C’était là un genre de construction digne de l’âme paternelle de Trajan. Il en était de même du temple qu’il éleva à son père adoptif Nerva. Pline dit avec esprit : « Si Tibère dressa des autels à Auguste, ce ne fut que pour avoir un prétexte d’accuser d’impiété ceux qui attaqueraient la mémoire de ce prince ; si Néron plaça Claude au ciel, ce fut plutôt pour se moquer des immortels que pour l’honorer ; enfin si Titus déifia Vespasien, et Domitien Titus, ils ne voulaient que se faire regarder l’un comme fils, l’autre comme frère d’un dieu. » Il ajoute : « Pour toi, quand tu mets Nerva au rang des immortels,… c’est parce que tu es persuadé que les dieux ont rendu cette justice à ses vertus. » Ceci nous fait comprendre ce que les Romains éclairés pouvaient entendre par l’apothéose. On déclarait que l’on croyait le mort reçu dans le ciel, admis à partager avec les dieux une immortalité bienheureuse. C’était comme une canonisation païenne, mais réservée seulement aux souverains et aux héros. Le catholicisme, et c’est sa gloire, canonise des mendians et des servantes. Je ne sais pas ce que pensait Trajan du salut de Nerva ; mais dans le temple qu’il lui consacra je vois un hommage de sa piété filiale et reconnaissante, et là encore je retrouve sa belle âme.

Domitien avait réparé la voie Appienne au-delà des Marais-Pontins, Trajan jeta une voie dallée à travers ces marais ; aussi, dans un des bas-reliefs enlevés à l’arc de Trajan pour orner l’arc de Constantin, on reconnaît la voie elle-même, figurée par une femme qui tient une roue, et à laquelle Trajan tend la main pour la relever. Trajan, plus occupé de l’utilité publique que de sa propre renommée, se plut souvent à continuer ou à réparer ce que d’autres avaient fait ; il étendit les thermes de Titus et restaura un aqueduc construit par Auguste. Il ajouta au port de Claude, près d’Ostie, un bassin qui avait un demi-mille de circonférence, et le peuple l’appelle encore il Trajano. La branche occidentale du Tibre est son ouvrage ; Trajan ouvrit au fleuve ce lit artificiel en creusant un canal : c’est aujourd’hui la principale communication de Rome avec la mer. Juvénal a exprimé avec un peu d’emphase l’immensité des. travaux combinés