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La basilique dont je viens de parler est la basilique ulpienne. — Trajan s’appelait Ulpius. — Un certain nombre de colonnes ont été mises en place et relevées par les Français. C’était un des plus beaux monumens de Rome, remarquable par son toit en bronze, comme nous l’apprend Pausanias, qui l’admirait. Nous savons qu’on y prononçait encore des affranchissemens au VIe siècle. Était-ce un hommage au souvenir de celui sous lequel les Romains avaient pour la première fois depuis l’empire respiré librement[1] ? Pline disait : « Dans le même forum se rencontrent le principat et la liberté. » Pline avait raison jusqu’à un certain point ; cependant cette liberté qu’il vante ne valait pas celle des esclaves affranchis dans la basilique ulpienne, et qui du moins était irrévocable ; c’était une concession que l’on pouvait retirer, une liberté viagère qui n’avait d’autre garantie que la volonté et la vie du prince : il n’y a de vraie liberté que dans les institutions libres. Le forum de Trajan embrassait la basilique, la colonne, la bibliothèque, un arc de triomphe, et plus tard un temple, celui de Trajan lui-même ; deux portiques demi-circulaires enveloppaient une des extrémités du forum de Trajan. On en voit encore un reste considérable ; mais il faut l’aller chercher dans l’intérieur des maisons du voisinage, où il est caché. Tout cela formait un ensemble d’une incroyable magnificence. Les débris de la basilique et du forum sont d’une beauté architecturale supérieure à ce qu’a produit l’époque des Flaviens. Le style est plus large, les ornemens s’épanouissent avec une élégance plus majestueuse. Il semble voir aussi les âmes se dilater et s’épanouir, et la renaissance de la félicité publique se réfléchir dans cette renaissance de l’art qui fut l’œuvre d’Apollodore.

On est vraiment stupéfait d’admiration quand on recompose dans son esprit cette basilique, ce forum, ces portiques, qu’on relève ces immenses colonnes de granit dont une est gisante aujourd’hui sur la Place-Trajane, et qu’on se représente ce que devait être cette architecture dont il reste de si admirables débris, quand on réédifie ces quatre forums qui se touchaient, tous remplis d’édifices ornés de statues, qu’on va par la pensée de celui-ci à ceux de César, d’Auguste, de Nerva, à l’ancien forum, si magnifique, et que le forum nouveau de Trajan effaçait, qu’on se promène en imagination à travers un quartier composé de monumens et un labyrinthe de merveilles. Pline, qui, dans son panégyrique de Trajan, abuse de l’éloge envers un prince qui le mérite, le loue à la fois d’avoir peu et d’avoir beaucoup bâti. Cependant il faut choisir. J’ai grande envie d’admirer Trajan autant que possible, mais je ne puis dire comme son panégyriste qu’il fut réservé dans la construction des nouveaux édifices,

  1. C’était plutôt à cause du voisinage de l’atrium libertatis.