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tradition du beau que la sculpture en ronde-bosse. On le voit dans diverses églises de l’époque barbare. De même la perfection du bas-relief devance au XVe siècle la perfection de la statuaire. Il en est ainsi des ornemens, des arabesques sculptés. Ce qui était le moins difficile est ce qui a duré le plus tard et ce qui a reparu le plus tôt.

Les bas-reliefs du forum de Nerva représentent des femmes occupées des travaux d’aiguille, auxquels présidait Minerve. Quand on se rappelle que Domitien avait placé à Albano, près du temple de cette déesse, un collège de prêtres qui imitaient la parure et les mœurs des femmes, on est tenté de croire qu’il y a dans le choix des sujets figurés ici une allusion aux habitudes efféminées de ces prêtres.

Le forum palladien nous a ramené à Domitien. Oublions-le cette fois tout à fait, pour nous occuper des grands monumens de Trajan, — sa colonne, sa basilique, son forum, — et de l’excellent souverain dont ils portent le nom. Son monument le plus historique est la colonne, parfaitement conservée, couverte de bas-reliefs qui retracent ses campagnes, dont le sommet portait sa statue, et dont la base couvrait son tombeau. Trajan était tout entier dans cet admirable monument, piédestal de sa puissance, trophée de sa gloire, gardien de sa cendre.

La colonne Trajane a donné le premier exemple et a été le type plusieurs fois reproduit des colonnes triomphales, de la colonne Antonine à Rome, de celle de la place Vendôme à Paris. L’idée de ce monument est pleine de grandeur. D’un soubassement sur lequel sont figurés des trophées, s’élance une colonne en marbre autour de laquelle s’enroulent des bas-reliefs représentant les principaux événemens des guerres de Trajan dans la vallée du Danube, et cette suite de bas-reliefs historiques vient aboutir au sommet de la colonne, où était placée la statue impériale. On peut juger de l’effet majestueux que produisait cette statue par celle de saint Pierre, qui l’a remplacée. La spirale continue que forment les bas-reliefs montait vers l’empereur victorieux comme l’hommage du monde, et venait mourir à ses pieds. Nous ne connaissons point par les livres les détails de ces guerres, nous n’avons pas les mémoires de Trajan ni ce qu’avaient écrit sur sa vie et ses victoires Marius Maximus, Fabius Marcellinus, Aurelius Verus, Statius Valens, ni le poème sur la guerre dacique composé en grec par Caninius Rufus ; mais les bas-reliefs de la colonne Trajane sont un magnifique supplément à l’histoire et à la poésie. Ce sont comme divers chapitres de la vie militaire du successeur de Nerva, qui semblent un grand livre roulé à la manière antique, volumen, et contiennent comme un récit monumental de ses conquêtes dans un pays que les armes françaises ont récemment visité quand elles ont rencontré vers la Dobrouscha le mur de Trajan.