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Tandis que Constantin se détruisait ainsi lui-même par des démarches irréfléchies, Gérontius sortait victorieux de tous ses embarras. Cet homme inépuisable en ressources, non-seulement avait su se garantir des Barbares qui dévastaient l’Espagne, mais il avait tiré parti de leur présence ; il s’était accommodé avec eux, et les hordes suève, vandale et alaine étaient devenues pour lui une pépinière de soldats. Grâce à ces recrues, il se recomposa une armée, et au printemps de l’année 411 il était prêt à passer en Gaule, où le rappelait l’impopularité croissante de Constantin. Constant essaya la même manœuvre qu’en 409 : il prit l’offensive et pénétra hardiment en Espagne, mais il fut battu à plate couture, refoulé au-delà des Pyrénées et poursuivi jusqu’en Gaule l’épée dans les reins. Telle était la frayeur qui emportait son armée, qu’elle ne se rallia point sous les murs d’Arles, qu’elle ne s’arrêta pas même à Valence, et que Constant ne parvint à en réunir les débris que dans le voisinage de Vienne. Il se jeta dans cette ville, assez médiocrement fortifiée, et s’y renferma. La place était d’ailleurs bien choisie pour servir de point de ralliement aux milices que pouvaient envoyer le Lyonnais et l’Auvergne, et recevoir les auxiliaires alamans et franks qu’Edowig, non sans peine à ce qu’il paraissait par sa longue absence, avait enrôlés sur les bords du Rhin, et dont l’arrivée prochaine était annoncée. Constant croyait avoir tout le temps désirable pour refaire son armée, attendu que le siège d’Arles, suivant son calcul, devait retenir d’abord Gérontius ; mais il avait compté sans l’audace et l’indomptable activité du Breton. Celui-ci, laissant Arles derrière lui, remonta la vallée du Rhône, fut bientôt aux portes de Vienne, et avant que les habitans et la garnison revinssent de leur surprise, il donnait l’assaut, enlevait la place et faisait égorger sous ses yeux le moine défroqué, son élève. Retournant alors sur ses pas avec la même célérité, il mit le siège devant Arles.

Arles, bien plus forte que Vienne, se trouvait aussi mieux défendue : elle renfermait une armée pleine de résolution que l’empereur des Gaules animait encore de sa présence. Constantin, instruit par les revers et rentré en lui-même, avait laissé de côté les prétentions vaniteuses qui l’avaient conduit si rapidement à sa ruine. L’ancien tyran, redevenu ce qu’il était à son début, tâchait de faire oublier les fautes de l’empereur légitime : affectueux pour ses vieux compagnons de bonheur et de malheur, simple et doux avec le soldat, humain avec les habitans, il éprouva dans ces momens suprêmes un retour à la popularité qui l’avait abandonné. On le plaignait, et dans l’intétérieur de la ville tout le monde se dévoua à le servir. Quant à Gérontius, il ne s’abusait point sur les difficultés du siège ; mais il était décidé à réussir, à tout entreprendre pour tenir enfin sous sa main son chef devenu son ennemi, et dans le cœur de cet homme violent,