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ces raisons, il fit grand bruit de la violation de la trêve, cria au parjure, prit le ciel à témoin de la nécessité où les Romains l’avaient mis de les punir, et alla assiéger Rome pour la dernière fois. On sait comment il y entra, et comment il la quitta après deux jours de pillage, l’âme toute troublée et comme poursuivi par une furie vengeresse. Le sac de la ville éternelle avait eu lieu le 24 août ; Alaric mourut environ deux mois après, à Gosenza, dans l’Abruzze, laissant le trône des Goths à cet Ataülfe, dont les démêlés avec un autre Goth avaient amené la plus grande catastrophe de l’ancien monde.

Constantin, du fond de la Gaule, avait assisté à ce terrible spectacle sans oser aventurer ses troupes en Italie. Quand il vit les Goths occupés dans le midi de la presqu’île à piller la Grande-Grèce et la Campanie, il jugea le moment favorable pour passer les Alpes, et avertit par un message Honorius de sa prochaine arrivée dans la vallée du Pô, à la tête d’une armée pleine d’ardeur. Sans doute qu’en prenant lui-même la conduite de ses troupes, l’empereur gaulois voulait donner à son collègue et frère un témoignage plus éclatant de son bon vouloir, et rendre plus efficace le secours qu’il lui portait ; peut-être aussi le vieux soldat, plein de confiance dans ses talens militaires, se voyait-il déjà le libérateur de l’Italie, comme il avait été un instant celui de la Gaule. Quoi qu’il en soit, sa présence, qui n’avait été ni discutée ni même prévue lors des conférences, alarma l’esprit ombrageux d’Honorius. Il s’était passé d’ailleurs à l’intérieur de la cour de Ravenne certains événemens qui avaient compromis la cause de l’empereur des Gaules. Jamais cette cour n’avait été en proie à plus de fluctuations. Si le siège et la prise de Rome élevèrent d’abord au comble l’influence d’Allowig, l’éloignement d’Alaric vers le midi, puis sa mort inopinée et presque fatale ne tardèrent pas à rendre le pouvoir aux eunuques en même temps que le courage à l’empereur. Eusebius profita de ce retour de fortune pour tâcher d’abattre son rival ; jamais il n’avait paru plus maître du prince, jamais il n’avait traité avec plus d’insolence le parti militaire et le comte des domestiques, son représentant. Celui-ci sentait s’allumer dans son cœur une colère sauvage. Un jour que le grand-chambellan l’avait blessé par on ne sait quelle parole injurieuse, il le fit prendre par des soldats, amener devant l’empereur, dépouiller de ses vêtemens, et battre de verges jusqu’à ce que le malheureux eût rendu l’âme. Ceci se passait sous les yeux de la cour : c’était une leçon que le comte des domestiques donnait à l’empereur, et dont l’empereur profita à sa manière. Il se tut, et bientôt il parut avoir tout oublié.

Cette petite exécution, comme on le pense bien, rétablit l’équilibre, et le pouvoir revint aux mains des généraux ; mais l’arrivée de Constantin en Italie fournit à leurs adversaires l’occasion d’une revanche.