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ou au commencement de l’année suivante, pendant la dernière campagne d’Alaric en Italie, celle qui aboutit à la prise de Rome. Au milieu de cet ébranlement du monde croulant de toutes parts, l’insolente signification des Bretons fut à peine remarquée : Rome ne pouvait rien pour eux, ils ne pouvaient rien pour elle, et Honorius accepta le message purement et simplement. Il y ajouta seulement un conseil qui, sous une apparence amicale, ne manquait point d’ironie : « C’est bon, dit-il aux députés ; mais je recommande à l’Ile de Bretagne de se bien garder contre les Pictes et les Scots. » Ce fut là tout, et la Bretagne fut détachée du grand corps de l’empire romain, dont elle avait fait partie pendant trois siècles et demi. La recommandation n’était pas inutile, car les Pictes et les Scots se hâtèrent d’accourir pour profiter du désordre qui régnait dans les affaires de l’île : ils furent repoussés, et les Bretons crièrent victoire. Malheureusement le triomphe ne fut pas long.

Ainsi s’opéra dans l’empire occidental le premier démembrement ; ainsi fut prononcée par une contrée romaine la première renonciation à ce qui était considéré jusque-là comme la vie des nations civilisées. L’erreur des Bretons fut d’avoir cru que dans la situation où la conquête romaine avait amené le monde, il pouvait se recréer des nationalités indépendantes entre l’empire et les Barbares : erreur non moins funeste aux Bretons eux-mêmes qu’à l’empire, dont elle accéléra la dissolution. Quoi qu’il en soit, l’exemple fut contagieux pour la Gaule. « A l’instar des provinces bretonnes, dit un historien du temps, les Armoriques et les autres cités maritimes se soulevèrent, et, après avoir chassé les magistrats romains, s’établirent en états indépendans. » Ce second déchirement, qui n’eut pas un caractère permanent comme le premier, s’étendit sur toute la zone riveraine de l’Océan sans pénétrer bien avant dans l’intérieur : néanmoins la Gaule entière en fut ébranlée. Au reste, la même ardeur fiévreuse qui s’était emparée des Bretons et leur avait fait remporter des succès passagers contre les Pictes et les Scots entraîna la Gaule maritime à la délivrance de son territoire. La population se trouva debout en un clin d’œil. Paysans et citadins, soldats romains, germains, taïfales, Saxons fédérés, en garnison ou en cantonnement dans le pays, tout le monde s’arma, tout le monde fit adhésion au nouveau gouvernement. On courut sus aux Barbares de la horde partout où on les rencontra, et on en fit un grand carnage. Réduite à la défensive, la horde dut bientôt se replier sur son territoire, où les Gaulois n’osèrent point la forcer.

Effrayés d’un état de choses si nouveau et dégoûtés de la Gaule à ce qu’il paraît, les Barbares suèves, alains et vandales, revinrent à leur ancien projet sur l’Espagne, et cette fois ils prirent mieux leurs mesures. Il se produisit alors un fait monstrueux, qui nous prouve