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Nous possédons encore une inscription trouvée à Trêves, dans laquelle il est relaté, et où l’empereur-consul prend le prénom de Flavius, signe de son admission dans la maison de Théodose.

Il y a pour tout gouvernement né d’une révolte un moment critique, celui où, définitivement établi et sûr du présent, il veut fonder l’avenir, se faire légitime, et passer du terrain du fait dans la sphère plus élevée du droit. Ce passage est pour lui plein de périls. Il y perd une partie de ses anciens amis, dont il blesse les sentimens ou les intérêts. Les amours-propres froissés crient à l’ingratitude, à la perfidie, à la trahison publique ; les partis qui l’appuyaient se retirent de lui, et il faut qu’il compte dès-lors avec ceux qui l’ont fondé comme avec ses plus dangereux ennemis : c’est ce qu’éprouva Constantin après sa métamorphose. Il négligea plusieurs de ses compagnons d’aventure par oubli, par préoccupation de sa nouvelle fortune ; il en écarta d’autres volontairement : tous devinrent ses ennemis. Il s’entoura d’hommes nouveaux, qui captèrent sa confiance. On voit paraître dans son intimité un général Justus, qui ne figure point dans les événemens antérieurs, et Jovius, noble Gaulois, ancien dignitaire d’Honorius et familier de la cour de Ravenne, qu’il prend pour son intermédiaire entre cette cour et lui. Décimus Rusticus était de trop désormais dans le palais d’Arles ; il l’envoya en Espagne comme préfet du prétoire de Constant, et rappela en Gaule, près de sa personne, le prudent et inoffensif Apollinaire. Gérontius eut sa part dans les mesures de méfiance. Soit qu’on pût lui reprocher quelques critiques trop acerbes sur ce qui venait de se passer, soit que Constant lui eût gardé rancune de la rudesse de ses leçons et voulût vivre désormais en empereur émancipé, Gérontius se vit enlever la maîtrise des milices d’Espagne, qui fut transférée à Justus ; on le dédommagea par un commandement encore très considérable, mais qui cachait mal une disgrâce. La plus grande faute en tout cela fut de laisser Gérontius à la tête de son armée quand on se disposait à le frapper.

La vengeance suivit de près l’injure. Le Breton, blessé au cœur, ne réclama point, ne se plaignit point, mais il employa le temps qui lui restait à corrompre son armée. Quand il fut prêt, il investit Saragosse, enleva l’impératrice femme de Constant et l’attirail de la représentation impériale, et transporta le tout à Tarragone, dont il fit sa place d’armes. Ce fut la proclamation de sa révolte. Il lui fallait un empereur pour servir de drapeau et de centre aux insurgés ; Gérontius dédaigna de l’être lui-même, et, après avoir cherché autour de lui, il mit la main sur un de ses plus obscurs cliens, de ses valets, comme dit l’histoire, qui, après avoir servi parmi les gardes du corps ou domestiques d’Honorius, ne pouvant se passer de maître, s’était attaché à celui-ci. Il se nommait Maxime. C’était d’ailleurs