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et nous n’arrivâmes sur les lieux que pour entendre les coups de fusil qui annonçaient la mort du redoutable monstre.

Nous ne pouvons mieux terminer ces études sur les Anglais et l’Inde que par cette esquisse du pèlerinage d’Hurdwar : si nous ne sommes pas resté inférieur au sujet, nous aurons illustré d’une manière complète en ces quelques pages l’un des plus grands faits des temps modernes, l’empire de l’honorable compagnie des Indes ! N’est-ce pas une scène vraiment extraordinaire que cette multitude innombrable de pèlerins attirés, au XIXe siècle, des extrémités les plus éloignées du continent indien au pied des montagnes de l’Himalaya par la puissance de puériles superstitions ? n’est-ce pas une chose unique dans les annales du monde que cette population conquise de plus de deux millions d’individus au milieu de laquelle un état-major d’une demi-douzaine de magistrats de race étrangère, appuyés d’un millier de baïonnettes natives, suffisent pour maintenir un ordre absolu ? Ce glorieux épisode d’histoire intime parle en termes bien éloquens des hauts faits de la race anglo-saxonne en ces contrées lointaines, et si devant un pareil spectacle le rhéteur peut s’apitoyer en termes ronflans sur le sort de ces populations qui portent le joug de la domination étrangère, l’observateur impartial doit reconnaître que la Providence a pris en pitié les blessures saignantes de l’Inde le jour où elle a permis que le grand édifice de la puissance anglaise s’élevât sur les ruines vermoulues des gouvernemens natifs. Est-ce assez toutefois pour les conquérans de l’Asie d’avoir fait succéder des années de paix profonde aux années de luttes intestines ? Est-ce assez de l’ordre matériel absolu qui, sous l’empire de leurs lois, règne dans le plus grand empire qu’ait jamais vu le monde ? Non, sans doute. Pour justifier les faveurs de ce dieu des batailles, qui a remis entre ses mains le sort de plus de cent cinquante millions d’hommes, l’Angleterre a d’autres devoirs à remplir. Il faut relier entre eux par des lignes de fer les grands centres du nord et du sud, il faut ouvrir des routes dans tous les districts, creuser des canaux partout. Il reste à formuler un bon système d’éducation pour les natifs, à organiser surtout une police honnête et vigilante… De la besogne pour des siècles enfin !… Et cette grande tâche achevée, il sera temps de penser à assurer l’émancipation, ou tout au moins des droits politiques aux populations, de l’Inde.


MAJOR FRIDOLIN.