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versets du Coran tracés en marbre noir ornent les parois des cénotaphes, et un obligeant cicérone veut bien me traduire l’un de ces versets, terminé par l’expression d’un vœu que le prophète n’a pas exaucé : Et protège-nous contre la tribu des infidèles ! Mais c’est surtout à la lueur des torches que la voûte profonde apparaît dans toute sa féerique magnificence. Les flammes se jouent sur les surfaces polies du dôme et de la muraille, à travers les festons de la grille qui entoure les deux cénotaphes, en mille reflets chatoyans et capricieux. Vous avez sous les yeux une véritable scène de conte de fée, à laquelle il ne manque, je le dis à regret, qu’un génie bienfaisant et ailé, qui, sortant des flancs du tombeau au milieu d’une fumée odorante, viendrait offrir au visiteur une lampe d’Aladin, ou tout au moins la classique poignée de pierres précieuses. Une dame anglaise, saisie d’enthousiasme à la vue de ces merveilles, s’est, dit-on, écriée qu’elle mourrait avec joie si elle était certaine d’obtenir de la douleur de son mari un aussi splendide mausolée. Ce propos, s’il n’est pas vrai, me parait presque vraisemblable, et de toutes les tombes qu’il m’ait été donné de voir, le Tarje est la seule qui me semble pouvoir le justifier. Peu d’époux peuvent toutefois illustrer leurs regrets d’une manière aussi magnifique. Le Tarje, construit avec des marbres que l’on fut obligé de chercher à 2 et 300 milles d’Agra, dans le district de Jeypore, ne put être achevé qu’après vingt-deux années, pendant lesquelles 20,000 ouvriers travaillèrent à la construction du monument. Les dépenses s’élevèrent à 3,174,802 livres sterling (environ 80 millions de francs). Quelques auteurs prétendent qu’un Français nommé Austin de Bordeux, connu dans l’Inde sous le nom de Merveille-de-l’âge, peut réclamer la paternité de ce chef-d’œuvre, sans rival au monde.

Le tombeau élevé au village de Secundra, à 5 milles d’Agra, par l’empereur Djahan-Guîr à son père Akbar, s’il ne peut être comparé au Tarje, renferme d’admirables détails. Il se compose de trois ou quatre terrasses superposées, hérissées de petits pavillons, dont l’ensemble, d’un goût peut-être incorrect, n’en est pas moins très original. Le corps du monarque repose dans le soubassement du monument et correspond avec un cénotaphe qui s’élève dans une salle à ciel ouvert située à la partie supérieure de l’édifice. Dallée de marbre et de jaspe, cette salle est entourée d’une muraille de marbre découpée à jour, en festons, en rosaces, en fleurs, en ornemens exquis, dont la perfection ne le cède qu’au merveilleux travail de la grille de marbre du Tarje.

Agra ne se recommande pas seulement à la curiosité du voyageur par les souvenirs du passé : la prison centrale, dont il a été tracé une rapide esquisse dans une autre partie de ces études, est un établissement