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fait partir, dit-on, toute une expédition navale ; il ne peut manquer évidemment d’assurer la protection de ses nationaux, et ce qui serait mieux encore, ce serait que le gouvernement mexicain accordât spontanément la réparation due à de si grands attentats.

Ce n’est point là tout à fait l’histoire de la Nouvelle-Grenade, et pourtant dans les affaires de la république néo-grenadine il y a le même mélange d’incohérences, intérieures et de querelles avec des états étrangers. Seulement ici l’anarchie semble perdre un peu de son intensité, et les démêlés avec les états étrangers ont un autre caractère. La Nouvelle-Grenade a été depuis quelques années tellement éprouvée par les dominations démocratiques et les insurrections, que l’élection d’un nouveau président était certes pour elle un périlleux défilé ; elle en est sortie mieux qu’on n’aurait pu le croire. Il y a déjà quelque temps, en effet, que l’élection a eu lieu, et le nouveau président va prendre possession du pouvoir dans un mois. En ce moment même se réunit à Bogota le congrès qui doit vérifier les opérations de ce scrutin d’où est sorti le nom de M. Mariano Ospina. Divers candidats se disputaient le pouvoir dans ces élections. M. Ospina, qui a été élu, est un conservateur prononcé, d’une probité reconnue, d’une singulière fermeté de caractère, qui a figuré déjà dans l’administration conservatrice du général Herran, et qui s’est surtout signalé par son opposition contre les administrations radicales des dernières années. Il avait pour concurrent M. Manuel Murillo, candidat du parti démocratique, esprit aussi chimérique que violent qui s’est enivré de toutes les idées les plus extrêmes de l’Europe. M. Murillo a été ministre des finances durant la présidence radicale du général Lopez ; il a profité de son passage aux affaires pour bouleverser le pays. Il était l’un des créateurs et le patron : de ces sociétés démocratiques qui avaient fini par jeter la terreur dans Bogota. M. Murillo est encore l’oracle du radicalisme grenadin. Il restait une dernière candidature, celle du général Mosquera, homme considérable par son nom, par sa position, qui a été déjà président, et qui, dans les dernières insurrections, contribuait à abattre la dictature révolutionnaire du général Melo. Malheureusement le général Mosquera a trop incliné vers une certaine fraction du parti radical dont il n’a pas obtenu l’appui, et ses alliances nouvelles lui ont fait perdre les votes du parti conservateur, dont il était jusque-là l’un des chefs ; le résultat de tout ce mouvement électoral a été de donner 95,000 voix à M. Ospina, 80,000 voix à M. Manuel Murillo, et 25,000 suffrages seulement au général Mosquera. En apparence, la nomination de M. Mariano Ospina serait donc pleinement rassurante, puisqu’elle est le triomphe des opinions conservatrices ; mais si on observe en même temps la minorité assez menaçante obtenue par M. Murillo, il est évident que les passions révolutionnaires ont encore une force singulière dans la Nouvelle-Grenade. Jusqu’à ces derniers temps, on a pu craindre de voir se renouveler à l’ouverture de la session les scènes qui eurent lieu en 1849, à une époque où le congrès dut choisir sous le poignard le candidat démocratique. Que, par une fortune plus heureuse, M. Ospina monte paisiblement au pouvoir, sa situation ne laisse point d’être étrangement difficile. Le règne prolongé des idées démocratiques a eu pour résultat d’amener une véritable dissolution du pays ; le radicalisme s’est servi du pouvoir pour tout décomposer, l’administration, la police, les finances,