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l’engagement d’être tous et toujours nobles de cœur autant que de naissance. Quoique approuvée et soutenue par Pompeo Neri, Pio dal Borgo et le sénateur Ruccellai, qui l’avait rédigée, cette loi fut mal accueillie par la noblesse. Il y avait en effet des objections très raisonnables à y opposer ; cependant M. Zobi n’attribue ce mauvais accueil qu’à l’aversion des Toscans pour le Lorrain Richecourt, à qui on en attribuait la principale inspiration. Invités itérativement à présenter leurs titres et leurs preuves de noblesse, ils laissèrent passer les délais. Il fallut les avertir que, faute d’inscription, ils ne pourraient profiter des privilèges accordés par la loi des substitutions et de quelques autres distinctions relatives à la pompe des funérailles, auxquelles une vieille coutume faisait attacher un grand prix. Alors ils accoururent en foule, et les registres se remplirent de titres, de blasons et d’arbres généalogiques, sauf à corriger par l’usage les obligations trop difficiles et les mesures trop inquisitoriales.

On comprend sans peine les défauts pratiques d’une semblable institution. Déclarer « déchus de la noblesse ceux dont les actions et la manière de vivre ne seraient point conformes à ce qu’exige cette dignité, » c’était rendre nécessaire un droit de censure du corps sur chacun de ses membres, et ce droit ne pouvait s’exercer que par une magistrature censoriale munie de pouvoirs effectifs. Quelque chose de semblable était proposé naguère, si nous avons bonne mémoire, par quelques membres de la noblesse prussienne. Cette procédure sur les mœurs ne serait acceptée de personne aujourd’hui que la conscience ne veut relever que d’elle-même, et avec raison, car les motifs de l’honnêteté sont placés plus haut que cela ; ce serait y ajouter un intérêt inférieur touchant d’assez près à l’hypocrisie. Dans son but politique surtout, cette conception est fausse, car de quoi s’agit-il ? De se faire une influence de sa valeur morale. Une influence sur qui ? Sur la nation entière. C’est donc à la nation de la reconnaître, si l’on veut qu’elle s’y rende. Cela nous ramène à cette aristocratie naturelle et acclamée par le public. Un autre défaut de la loi, c’était de faire de la noblesse, par cet enregistrement, une corporation rigoureusement fermée. Si on la fermait pour qu’elle cessât de se recruter et pour la faire disparaître peu à peu par l’extinction des familles, à quoi bon la concentrer, l’exposer, par sa séparation du corps de la nation, aux rivalités et aux haines et en faire une oligarchie sans raison d’être ? Il valait mieux, après avoir restreint ses privilèges, la laisser se fondre dans le corps de la nation. Voulait-on au contraire la perpétuer ? Il fallait lui laisser réparer ses pertes, soit qu’elle se recrutât elle-même par cooptation, soit que des conditions d’anoblissement permissent de forcer le passage. D’ailleurs une corporation fermée, sanctuaire privilégié des vertus et de