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après leur avènement et quinze ans après celui de la maison de Lorraine. Ces choses-là ne se voyaient plus en France depuis près d’un siècle ; les grands jours de Clermont les avaient extirpées dans les lieux les plus écartés dès 1665. Le grand-duc François connaissait les procédés traditionnels de la monarchie française à l’égard de la féodalité, et dans sa double qualité d’empereur et de grand-duc il était admirablement placé pour en abattre les plus grands abus dans ce pays, en attendant un ordre civil plus homogène. Sous l’inspiration de Pompeo Neri, il comprit que le mal était dans l’essence même du principe féodal, principe d’indépendance locale et d’autorité prétendue paternelle du seigneur sur les sujets ; il résolut donc d’ôter aux feudataires tout ce qui tranchait encore de la souveraineté. La juridiction des feudataires fut assimilée à celle des juges royaux ; encore ne purent-ils l’exercer eux-mêmes, mais ils furent obligés de déléguer des juges admis effectivement aux offices royaux. Ces derniers étaient d’ailleurs soumis à la même hiérarchie que les juges institués par le gouvernement, et il y avait appel de leurs jugemens au civil comme au criminel. On voit ici une imitation assez timide et bien tardive des procédés employés dès le XIIIe siècle par les rois de France pour arriver au même résultat. C’est ainsi que nos rois enlevèrent aux seigneurs leurs justices patrimoniales, en multipliant les cas royaux, en établissant les appels, en exigeant des délégués instruits des formes de la procédure, et en arrachant pièce à pièce à la féodalité les droits régaliens dont elle usait mal. Mais qu’était-ce que ces réformes, si faciles à éluder, si on ne détruisait pas en même temps par la police ces nids de vautours, où le brigandage trouvait l’impunité dans le privilège du fief ? Les magistrats de Florence et de Sienne furent donc autorisés à étendre leur surveillance sur ces retraites redoutables. Il fut défendu aux seigneurs d’y donner asile aux condamnés, aux contumaces, aux contrebandiers, aux mauvais sujets, aux débiteurs civils ; il leur fut enjoint de les arrêter dès qu’ils s’y présenteraient, et ainsi fut dissoute leur milice pillarde. En outre on réprima les vexations d’un autre ordre, et on fit sentir au peuple une protection d’en haut, en défendant aux feudataires de s’ingérer dans ce qui concernait les finances de l’état, les impôts des communes, l’administration des biens des hôpitaux ou des communautés inféodées ; leurs propres biens furent soumis aux charges communales. Il est bien probable en effet que de tels hommes devaient abuser étrangement de leur influence sur de pauvres vassaux tremblans, sur des voisins sans défense, dans les questions de répartition d’impôts, d’emploi des fonds communs, et autres difficultés de ce genre.

La répression de la prepotenza, l’abolition des souverainetés locales,